Encyclique sur la splendeur de la vérité (au sujet de la morale)
et la loi de gradualité
Cette Encyclique a pour objet de développer quelques questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Eglise, en pratiquant un nécessaire discernement sur des problèmes entre les spécialistes de l'éthique et de la théologie morale (V.S 5). Son titre "splendeur de la vérité" signifie que la splendeur qu'elle répand va éclairer un monde largement plongé dans les ténèbres et dans la pollution de l'esprit ; Le Christ se définit comme étant le chemin et la vérité (Evangile de Saint Jean 14,6) ; De plus le Christ nous dit que seule la vérité nous rendra libres. La Vérité, pour celui qui croit au Christ, consiste donc à suivre le Christ et à vivre de son amour et de ses exigences dans l'obéissance à ce que le Christ nous demande de faire et a la hiérarchie de l'Eglise.
J'ai entendu beaucoup de critiques négatives à propos de cette encyclique. Entre autres critique, la revue Golias, douteusement célèbre depuis huit ans par son application à dénigrer le Magistère et la hiérarchie de l'Eglise, n'a pas hésité à diffuser dans toute la France ce qu'elle appelle "le texte intégral de l'encyclique" commenté par des théologiens choisis pour leur opposition à l'Eglise et au Saint-Père. Le directeur de la salle de presse du Saint-Siège, Joaquim Navarro Valls, a fait savoir que le texte publié par la revue Golias n'est en réalité qu'un document de travail datant de trois ans. Ceci a été dit par la revue Famille Chrétienne du 29/07/93.
Nous pouvons considérer qu'avant de critiquer positivement ou négativement un écrit, quel que soit son auteur, il faut voir ce qui est dit dedans. Un de mes oncles m'a demandé ce que je pensais d'un livre qu'il possède sur la réincarnation. Si j'avais réagi spontanément, j'aurais dit que ce livre n'était pas intéressant car pour un croyant il n’y a pas de réincarnation puisque c'est contraire à sa foi. Ce n'est pas ce que j'ai fait. J'ai lu le livre pour essayer de voir ce qu'il y a dedans. Je me suis rendu compte que le but de l'auteur, qui accepte la réincarnation, consistait à montrer que la réincarnation existe. Ce n'est donc pas un livre objectif. J'ai donc pu alors le critiquer négativement. Nous allons essayer d'utiliser la même démarche avec cette encyclique afin de savoir si l'on peut ou ne peut pas accepter cette encyclique telle quelle.
Nous pouvons dire que cela n'a pas été fait ; La plupart de ceux qui sont pour le pape ont dit que l'encyclique était bien ; La plupart de ceux qui sont contre le pape ont dit que l'encyclique allait contre la vie du monde moderne et ont montré leur désaccord ou leur déception. Il faut donc connaître à fond ce qui est écrit avant de le critiquer positivement ou négativement. Il est normal que cette encyclique rencontre des critiques négatives.
Charles Péguy dit que lorsqu'on descend le fleuve c'est à dire lorsqu'on fait comme tout le monde c'est facile ; Lorsqu'on veut remonter le fleuve c'est à dire ne pas faire comme tout le monde en rappelant que l'on est un être humain et que de ce fait on ne doit pas faire n'importe quoi alors cela devient très difficile et on reçoit les critiques négatives de ceux qui veulent faire ce qu'ils veulent ou qui se laissent porter par ce que fait la majorité sans savoir si c'est bien ou mal.
Le Nouvel Observateur du 21/10/93, quant à lui, nous dit que le fond de l'encyclique est une dénonciation en règle des prétentions de la conscience individuelle à s'instituer en arbitre souverain ; A l'affirmation du devoir de suivre sa conscience, on a indûment ajouté que le jugement moral est vrai par le fait même qu'il vient de la conscience(...) La nécessaire exigence de la vérité a disparu au profit d'un critère de sincérité et de l'individualisme ce qui implique la négation de l'idée même de nature humaine. Et le Nouvel Observateur de conclure : « Après avoir porté les coups les plus terribles au totalitarisme communiste, Jean-Paul II est devenu le seul adversaire sérieux de l'esprit capitalo-individualiste de notre temps ».
Pourquoi cette encyclique sur la morale a paru si tardivement ?. Tout le monde sait que depuis la publication de l'encyclique « Humanae Vitae » (25/07/1968) par Paul VI il y a eu une fracture entre certains théologiens et le Magistère de l'Eglise. Paul VI s'est inspiré en partie de l'encyclique « Casti Connubii » signée, le 31 décembre 1930 par Pie XI. Paul VI voulait rappeler la doctrine morale sur le mariage, proposée avec une constante fermeté par le Magistère de l'Eglise contre les théologiens qui s'écartaient de cette doctrine. Le Mouvement de Libération de la Femme n'a pas accepté « Humanae Vitae » disant qu'un Pape ne peut pas interdire l'usage de la pilule puisqu'il n'y connaît rien. Et une bonne dizaine d'années plus tard, ce même mouvement acceptait "Humanae Vitae" en disant que le pape avait raison d'interdire l'usage de la pilule car une femme devient un objet si elle utilise la pilule. Paul VI avait donc raison même si tout le monde était contre lui. Le 13 juillet 1993, la conférence épiscopale des Etats-Unis a été la première du monde à produire un texte pour commémorer le 25éme anniversaire d'« Humanae vitae ». Inquiets, les évêques américains notent, pour leur pays, « l'augmentation des unions sans mariage, des avortements et des divorces, des abus et des violences sexuelles ». Ils appuient donc sans réserve les positions défendues, en 1968, par un Paul VI très isolé.
Le Pape Jean-Paul II quant à lui a voulu attendre la publication du Catéchisme de l'Eglise Catholique avant de publier l'encyclique car il y a une complémentarité entre ce catéchisme et l'encyclique. Le Catéchisme de l'Eglise Catholique contient un exposé complet et systématique de la doctrine morale chrétienne (V.S. 5) ; L'encyclique se limitera à développer quelques questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Eglise (V.S 5). Le catéchisme est destiné à tous les croyants ; L'encyclique est destinée en premier lieu aux évêques et aux théologiens responsables d'enseigner la morale et ensuite aux croyants.
Plusieurs éditions de cette encyclique ont paru. La meilleure à mon avis, bien qu'il soit difficile de la trouver actuellement dans les librairies catholiques, est celle de Mame/Plon. C'est le même éditeur que pour le catéchisme de l'Eglise Catholique. C'est le meilleur instrument de travail car l'encyclique est accompagnée de trois textes qui nous aident à comprendre le contenu de cette encyclique. Il y a d'abord une présentation générale par le père Jean-Louis Bruguès, provincial des dominicains de Toulouse, membre de la commission internationale et auteur d'un très précieux "dictionnaire de morale catholique" ; Ensuite un guide de lecture dû au père Cottier, dominicain, théologien de la maison pontificale.
Le Père Cottier dit : « Jean-Paul II ne propose pas "une théologie parmi d'autres ; il rappelle un certain nombre de principes de base qui sont présupposés à toute théologie morale chrétienne ». Enfin il y a le Père Albert Chapelle, Jésuite, professeur de théologie morale à l'institut théologique de Bruxelles. Le Père Chapelle explique bien pourquoi les opinions théologiques dénoncées par l'encyclique, dans sa deuxième partie, sont particulièrement pernicieuses, car elles oublient que « l'acte humain dépend de son objet ». C'est cet objet qui détermine si l'acte volontaire peut ou non être orienté vers la fin ultime de l'homme qui est Dieu, le souverain Bien. Il y a donc des actes proscrits parce qu'intrinsèquement mauvais.
Après cette introduction, nous allons voir comment le Cardinal Ratzinger (1) présente cette encyclique. Ensuite on analysera la morale dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique. Puis on examinera la morale dans l'encyclique et enfin on réfléchira à la loi de gradualité. Pour cela, on analysera le livre d’Alain You (2) et on étudiera ce qu'est la loi de gradualité, une notion difficile à comprendre et à ne pas confondre avec la gradualité de la loi. Enfin, en guise de conclusion, on se demandera ce qu'il faut penser de cette encyclique et ce qu'il faut en retenir.
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(1) Le Cardinal Ratzinger est le Préfet de la Congrégation pour la Doctrine et la Foi au Vatican ;
(2) Alain You : la loi de gradualité ; une nouveauté en morale, Coll. « Le Sycomore » Ed. Lethielleux, Paris, 1991.
I - PRESENTATION DE L'ENCYCLIQUE PAR LE CARDINAL RATZINGER
Voici ce que nous pouvons retenir de ce que le Cardinal Ratzinger a dit sur l'encyclique. Tout d'abord le Cardinal Ratzinger dit que l'audience de ce texte dépasse largement les évêques, destinataires officiels. Ensuite le Cardinal Ratzinger résume ainsi l'enjeu de cette nouvelle encyclique : « La question morale est manifestement plus que jamais une question de vie ou de mort pour l'humanité. Dans la civilisation uniformément technicise qui s'est étendue désormais au monde contemporain tout entier, les anciennes certitudes morales, que soutenaient jusqu'ici les grandes cultures particulières, sont largement détruites ».
D'après lui, l'entourage du pape a travaillé 6 années durant pour reformuler comme jamais la question du bien et du mal. En effet, le 1er août 1987, le Pape Jean Paul II annonçait à l'occasion du deuxième centenaire de la mort de Saint-Alphonse de Liguori, patron des confesseurs et des moralistes, la publication d'une encyclique sur quelques éléments fondamentaux de la doctrine morale catholique. L'encyclique a paru le 5 octobre 1993. L'Eglise ne veut pas reconstruire ce qui est détruit mais proposer ce qu'on doit vivre et faire.
Le Cardinal Ratzinger rappelait ensuite : "Dès ses premières origines, avant même que le mot chrétien n'ait été inventé, la religion chrétienne s'appelait simplement chemin. Chemin, c'est à dire mode d'action. C'est justement par leur morale que les chrétiens des premiers siècles se différenciaient des non-chrétiens ; Leur foi devenait ainsi visible comme une réalité impossible à confondre avec une autre. Aujourd'hui, un christianisme qui ne serait plus un chemin commun, mais qui énoncerait seulement des idéaux flous, ne serait plus le christianisme de Jésus-Christ et de ses fidèles proches".
Puis le Cardinal Ratzinger parle de deux dérives constatées dans l'enseignement de la morale Catholique : la première est la « bonne intention » : peu importe les actes concrets posés par la personne, seules comptent l'orientation générale de la vie et la volonté de suivre le Christ. La deuxième dérive est "la loi du moindre mal" : la moralité d'un acte doit se juger selon la gravité de ses conséquences, il faut donc choisir ce qui occasionne le moins de mal possible.
Pour terminer, le Cardinal Ratzinger complète la conclusion de l'encyclique faite par le Pape Jean Paul II. Le Pape connaît toutes les objections que l'on peut faire à propos de l'encyclique « Veritatis Splendor ». Il écrit : « Il peut sembler que la morale chrétienne soit en elle-même trop difficile, trop ardue à comprendre et presque impossible à mettre en pratique. C'est faux, car, pour l'exprimer avec la simplicité du langage évangélique, elle consiste à suivre le Christ, à s'abandonner à lui, à se laisser transformer et renouveler par sa Miséricorde qui nous rejoint dans la vie de communion de son Eglise ». Et le Cardinal Ratzinger de compléter : « Ce chemin n'est pas une voie privée pour les chrétiens. Je compterais le troisième chapitre de l'encyclique parmi l'un des textes les plus significatifs du magistère de notre siècle. Le Pape indique ici que le sens moral est au coeur de la question culturelle. En présence de graves formes d'injustice sociale et économique et de corruption politique, il répond par la nécessité d'un renouveau radical, personnel et social propre à assurer la justice, la solidarité, l’honnêteté et la transparence. Le texte montre le fondement culturel du totalitarisme qui réside dans la négation de la vérité au sens objectif du terme et indique le chemin pour son dépassement ».
II - LA MORALE ET LE CATECHISME DE L'EGLISE CATHOLIQUE
1) Généralité sur la morale :
Voici la définition que le petit Larousse illustré de 1981 donne sur la morale :
" Ensemble des règles d'action et des valeurs qui fonctionnent comme norme dans une société". Cette définition montre que dans une société les lois, qui règlent la morale, sont considérées comme norme qu'elles tiennent compte ou ne tiennent pas compte de ce qui est bien ou de ce qui est mal. Un exemple en France : Simone Weil (la politicienne à ne pas confondre avec la philosophe) a promu une loi sur l'avortement il y a déjà quelques années ; Puis on a parlé d'I.V.G pour ne pas heurter les consciences.
En janvier 1993 le speaker au journal de 13 h sur antenne 2 expliquer que le parlement ne pourrait pas dire que l’embryon est un être humain dès le début de sa conception car les femmes perdraient un avantage acquis : celui de l'avortement et qu'on ne peut pas revenir en arrière. Les lois sont donc faites en fonction de ce qui intéresse la société et l'on ne cherche pas à savoir si c'est bien ou mal.
En ce qui concerne l'avortement, on aurait du se demander si l'on a le droit ou pas de choisir de laisser vivre tel être humain ou de le tuer. On est des êtres humains donc on ne peut pas faire ce que l'on veut par exemple tuer qui que ce soit ; Cela ne vient d'aucune croyance mais c'est dû uniquement au fait que l'on est des êtres humains : la loi naturelle. En France toujours, il y a un autre problème qui est venu chez la plupart des croyants : ce que la loi prévoit est moral donc je peux le faire ; Et tout ce qui s'oppose à l'accomplissement de la loi est considéré négativement par la plupart des croyants pratiquants.
La plupart des êtres humains et des croyants pratiquants disent que ma liberté me permet de faire ce que je veux et refusent tout ce qui les empêche de faire ce qu'ils veulent. Par exemple au niveau de l'acte sexuel, la plupart des êtres humains veulent pouvoir le faire quand ils le veulent et avec qui ils veulent. D'où l'apparition du sida, qui n'est pas une punition envoyée par Dieu, mais est voulue pour nous montrer que l'être humain a des limites et qu'il ne peut pas faire ce qu'il veut ; donc on doit respecter l'être humain comme être humain en tenant compte de la nature humaine c’est à dire de la loi naturelle.
La morale consiste en un champ de valeur auquel on se réfère pour construire sa vie. Toute personne, tout groupe, toute société met en oeuvre un certain nombre de règles, d'idéaux, d'interdits, qui lui permettent de se structurer et de s'acheminer peu à peu vers ce qui paraît être l'état le plus souhaitable. Toute existence a donc besoin d'une morale. Quelle morale avoir ? Plusieurs morales sont possibles. Le but de la morale est le bonheur de l'être humain, le développement le plus harmonieux possible de tous les êtres humains (homme ou femme) l'organisation vivable et sensée des multiples relations humaines.
La morale chrétienne a le même but mais ajoute que le bonheur est favorisé par la reconnaissance du Dieu-Créateur et qu'elle se réalise dans le lien réciproque d'amour entre l'homme et son Créateur.
Précisons ce qu'est la morale. Il faut distinguer trois dimensions de la morale :
a) La dimension universelle :
La morale s'efforce de dégager les principes fondamentaux, les valeurs permanentes qui doivent commander l'agir humain et qui dépendent du fait qu'on est un être humain. Par exemple, respecter l'autre, aimer son prochain comme soi-même, etc. Ces préceptes sont valables universellement pour toute société de tout temps et de tout lieu. Nécessaires, ils sont insuffisants pour baliser le chemin de l'homme.
b) La dimension particulière :
La morale cherche à traduire les valeurs fondamentales en normes concrètes qui les précisent. Il s'agit des lois que les états établissent. Ces lois, élaborées par les hommes en un temps et en un lieu donnés, ne sont pas universelles ; elles peuvent varier, tout en voulant exprimer les mêmes valeurs fondamentales.
c) La dimension singulière :
La morale prend en compte l'unicité de chaque personne et de chaque situation ; Elle cherche ce qui s'avère effectivement possible dans telle situation concrète. Par exemple, un couple en grave difficulté va-t-il décider de se séparer ou non ? A ce niveau la morale gère des conflits. Conflits entre des normes, des valeurs qu'on ne peut pas tenir en même temps, elle cherche des compromis, elle tient compte du temps : tout n'est pas possible tout de suite. Elle respecte ce qui relève finalement de la conscience personnelle de chacun. C'est pour cela qu'il est important de former la conscience des enfants le plus tôt possible d'abord dans la famille et ensuite à l'école.
Philippe Claeys, un chanteur, disait dans sa chanson : "mes universités" qu'à son époque on n'avait pas de diplôme quand on sortait de l'université mais qu'on était un homme. Actuellement c'est l'inverse : on sort de l'université avec un tas de diplôme mais on n'est pas un homme c'est à dire que l'on ne peut pas prendre de responsabilités, n'ayant que de la théorie dans la tête. Aussi il y a des instituts de formation civique qui existent pour former les futurs cadres et les ingénieurs à leurs responsabilités de père de famille et à réfléchir à propos de thèmes inspirés directement des préoccupations des dirigeants d'entreprises.
La morale consiste dans la pratique à articuler ces trois dimensions. Si l'on s'enferme dans une dimension, on risque de se condamner soit à l'idéalisme vague et inefficace (l'universel), soit au légalisme desséchant (le particulier), soit à l'individualisme qui ne tient pas compte des autres (le singulier).
Qu'apporte à la morale le fait que je crois en Dieu ? Puisque le chrétien est un être humain, la morale chrétienne tient compte des trois niveaux que l'on vient d’énumérer. Mais elle a ceci de plus : faire des actes humains une réponse au don gratuit de l'Amour de Dieu à la suite du Christ et en communion avec l'Eglise c'est à dire vivre de la charité et de ses exigences. Par exemple, on a dit que la morale universelle consiste entre autres à aimer son prochain comme soi-même.
Parce que je suis chrétien, j'aime mon prochain comme moi-même pour l'Amour de Dieu. Ce qui différencie un croyant d'un non croyant, c'est que le croyant fait la même chose que le non croyant mais avec un esprit différent : il fait tout pour l'Amour de Dieu. Cela ne se voit pas extérieurement puisque c'est l'esprit avec lequel il fait les choses. C'est ce que nous dit le Christ quand il nous donne les Béatitudes (Evangile de Saint Matthieu 5, 1 à 12).
Mais il peut arriver que deux croyants fassent la même chose avec un esprit différent : par exemple deux croyants vont à la messe. L'un y va par devoir parce que Dieu nous le demande dans ses commandements ; L'autre qui aime Dieu cherche à faire ce qui plaît à Dieu et donc va à la messe. C'est pourquoi l'on dit que seul Dieu peut sonder les reins et les coeurs.
2) La morale et le Catéchisme de l'Eglise Catholique (C.E.C) :
L'on vient de dire que la morale regardait les actes humains. Il est donc normal que l'on trouve la morale dans la partie du catéchisme nous parlant de la vocation de l'homme. La vocation de l'homme consiste à répondre à l'Amour de Dieu par ses actes libres. Etant donné que l'homme (pris au sens d'homme et de femme) est un être humain, il a une dignité (voir C.E.C n° 1700) puisque crée à l'image de Dieu (Genèse 1, 27 et C.E.C n° 1701 à 1715) en vue du bonheur (C.E.C n° 1716 à 1729) en étant libre car l'amour réclame la liberté sinon c'est l'esclavage (C.E.C n° 1730 à 1748) ; La liberté fait de l'homme un sujet moral. Ses actes humains, c'est à dire librement choisis par suite d'un jugement de conscience, sont moralement qualifiables. Ils sont bons ou mauvais (C.E.C n° 1749 à 1876) ;
Le catéchisme étudie tout ce qui concerne les actes humains : la passion, la conscience morale, les vertus, le péché. Dans une deuxième partie le Catéchisme nous explique que l'homme vit dans une communauté que ce soit la société ou l'Eglise (C.E.C n° 1877 à 1948). Enfin le Catéchisme nous dit que l'homme n'est pas livré à ses propres forces pour réaliser toute cette vie morale puisque depuis le péché originel il ne peut plus ; Il est aidé par le secours de Dieu qui donne sa loi (commandements donnés à Moïse au mont Sinaï [Exode 20, 2 à 17 ; C.E.C n° 1949 à 2557] ; Les béatitudes...) pour diriger l'homme ; La grâce pour soutenir l'homme et le fortifier et enfin l'homme est aidé par l'Eglise qui agit vis à vis de lui comme une mère en donnant ses commandements (commandements de l'Eglise) et en lui rappelant quel chemin il doit prendre (le chemin de la vérité) afin qu'il ne s'égare pas.
Il n'est pas nécessaire de posséder l'encyclique sur la morale ; Par contre, il est indispensable pour un croyant de posséder un exemplaire du catéchisme de l'Eglise Catholique afin d'y avoir recours quand il se posera une question. Ce catéchisme ne se lit pas comme un roman, mais par thème en fonction des problèmes que l'on se pose. Voyons ce que dit l'encyclique à propos de la morale dans le Catéchisme de l'Eglise Catholique : "Le Catéchisme de l'Eglise Catholique contient un exposé complet et systématique de la doctrine morale chrétienne. Le catéchisme présente la vie morale des croyants, dans ses fondements et dans les multiples aspects de son contenu, comme une vie de "fils de Dieu" (Ph 1, 27). Par les sacrements et la prière, ils reçoivent la grâce du Christ et les dons de son Esprit qui les en rendent capables (C.E.C 1692).
En renvoyant donc au Catéchisme comme texte de référence sûr et authentique pour l'enseignement de la doctrine catholique (Constitution Apostolique Fidei depositum du 11 octobre 1992 n°4), l'encyclique se limitera à développer quelques questions fondamentales de l'enseignement moral de l'Eglise, en pratiquant un nécessaire discernement sur des problèmes controversés entre les spécialistes de l'éthique et de la théologie morale. C'est là l'objet précis de la présente encyclique, qui entend exposer, sur des problèmes en discussion, les raisons d'un enseignement moral enraciné dans l'Ecriture Sainte et dans la Tradition apostolique vivante (voir Concile Oecuménique Vatican II, Constitution sur la Révélation divine Dei Verbum n° 10), en mettant en même temps en lumière les présupposés et les conséquences des contestations dont cet enseignement a été l'objet (V.S 5).
Quant à V.S 4, il ajoute qu'aujourd'hui il parait nécessaire de relire l'ensemble de l'enseignement moral de l'Eglise, dans le but précis de rappeler quelques vérités fondamentales de la doctrine catholique, qui risquent d'être déformées ou rejetées dans le contexte actuel. Et V.S 4 n'hésite pas à dire qu'il y a une discordance entre la réponse traditionnelle de l'Eglise et certaines positions théologiques, répandues même dans les séminaires et dans des facultés de théologie. En effet 80% des théologiens n'acceptent pas ce que dit l'Eglise ou prennent ce qui les intéresse dans l'enseignement de l'Eglise. Or le Christ a voulu que l'Eglise soit gouvernée par le Pape qui est mu par le saint-Esprit : C’est le Mystère de Pierre (le premier Pape). " Le pontife romain et les évêques en docteurs authentiques, pourvus de l’autorité du Christ, prêchent au peuple, à eux confié, la foi qui doit être crue et appliquée dans les moeurs (voir Concile Vatican II Constitution Lumen Gentium n° 25). Le Magistère ordinaire et universel du Pape et des évêques en communion avec lui enseigne aux fidèles la vérité à croire, la charité à pratiquer, la béatitude à espérer (C.E.C n° 2034)".
III - LA MORALE ET L'ENCYCLIQUE VERITATIS SPLENDOR
Nous arrivons maintenant au coeur du sujet : la morale dans l'encyclique. Aussi, vous pouvez vous demander à quoi a servi tout ce qui vient d'être dit. Ce ne fût pas un travail inutile, bien au contraire. Cela nous aide à mieux comprendre l'orientation de l'encyclique et ce qu'on y trouve.
On remarque qu'il y a trois parties dans cette encyclique. La première partie est une méditation biblique sur le dialogue de Jésus avec le jeune homme riche (Evangile de Saint Matthieu 19, 16-22), qui permet de mettre en lumière les éléments essentiels de la morale chrétienne. En effet, c'est ce dialogue qui peut constituer une trame utile pour réentendre, de manière vivante et directe, l'enseignement moral de Jésus (V.S 6). La question du jeune homme riche est la suivante : "Maître que dois-je faire de bon pour obtenir la Vie Eternelle ? " (Matthieu 19, 16). C'est la question de tous les êtres humains, question sur le bien moral. Dieu seul peut répondre à la question sur le bien, parce qu'il est le bien (V.S 9) ; Il convient que l'homme d'aujourd'hui se tourne vers le Christ pour recevoir de lui la réponse sur ce qui est bien et sur ce qui est mal (V.S 8). Et pour la vie éternelle, Jésus dit : "Si tu veux entrer dans la vie, observe les commandements" (V.S 9).
La vie morale se présente comme la réponse due aux initiatives gratuites que l'amour de Dieu multiplie dans ses relations avec l'homme. Saint Léon le Grand dit : « Pour qui aime Dieu, il suffit de plaire à Celui qu'il aime : parce qu'on ne doit pas en attendre une plus grande récompense que cet amour ; en effet, la charité vient de Dieu, car Dieu lui-même est la charité » (V.S 10). Le bien, c'est appartenir à Dieu, lui obéir... (V.S 11). L'être humain répond à l'amour de Dieu en obéissant à Dieu et en cherchant à lui plaire ; Il pratique donc les commandements de Dieu donnés à Moïse au mont Sinaï comme sa réponse d'amour à Dieu. Ce sont les commandements de Dieu qui indiquent à l'homme le chemin de la vie et qui conduisent vers elle (V.S 12). Jésus veut renvoyer le jeune homme riche à ce qui est le point central du décalogue par rapport à tout autre précepte, à savoir que signifie pour l'homme : "Je suis le Seigneur ton Dieu" (V.S 13). Les autres commandements font partie de ce qu'on appelle la seconde table du décalogue, dont le résumé ( Epître aux Romains 13, 8 à 10) ont comme fondement le commandement de l'amour du prochain (V.S 13). Cela ne veut pas dire qu'il y a une opposition entre l'amour de Dieu et l'amour du prochain. Par l'amour du prochain, on prouve à Dieu qu'on l'aime : il est facile d'aimer quelqu'un qu'on ne voit pas mais il est plus difficile d'aimer le prochain qu'on voit (amour ne veut pas dire qu'on doit s'entendre bien avec tout le monde).
L'Ancien et le Nouveau Testament affirment explicitement que, sans l'amour du prochain qui se concrétise dans l'observance des commandements, l'amour authentique pour Dieu n'est pas possible. Saint Jean l'écrit avec une force extraordinaire : "Si quelqu'un dit j'aime Dieu et qu'il déteste son frère, c'est un menteur" (1 jean 4, 20). L'Evangéliste fait l'écho à la prédication morale du Christ, exprimée de manière admirable et sans équivoque dans la parabole du bon samaritain [Evangile de Saint Luc 10, 30-37] et dans le discours du jugement dernier [Evangile de Matthieu 25, 31-46] (V.S 14).
Le jeune homme riche ne s'arrête pas là car il sent qu'il lui manque quelque chose. Aussi il dit à Jésus : « Tout cela je l'ai observé ; que me manque t-il encore ? » Et Jésus répond la pauvreté matérielle et suivre le Christ. Il faut en fait comprendre qu'il s'agisse de la pauvreté en esprit dont il est question dans les béatitudes (Evangile de Saint Matthieu 5, 3). Cette pauvreté est la pauvreté du disciple qui est humble, qui sait que tout ce qu'il possède est un don de Dieu et qu'il doit en user pour le service de Dieu et la plus grande gloire de Dieu.
Le disciple qui est vraiment pauvre doit être capable de dire en vérité, à la suite de Saint Louis Marie Grignon de Montfort : « Je livre à Marie, en toute soumission et Amour, mon corps et mon âme, mes biens intérieurs et extérieurs et la valeur même de mes bonnes actions passées, présentes et futures, vous laissant un entier et plein droit de disposer de moi et de tout ce qui m'appartient selon votre bon plaisir à la plus grande gloire de Dieu dans le temps et l'éternité ». En ce qui concerne « suivre Jésus » V.S 20 : Jésus demande de le suivre et de l'imiter sur le chemin de l'amour, d'un amour qui se donne totalement aux frères par amour pour Dieu ; « Voici quel est mon commandement : Vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés » (Evangile de Saint Jean 15, 12). Ce dialogue se termine sur les rapports entre la loi [ancienne] et la grâce [loi nouvelle] (V.S 23).
Saint Augustin synthétise encore, la dialectique paulienne de la loi et de la grâce : « la loi a donc été donnée pour que l'on demande la grâce ; la grâce à été donnée pour que l'on remplisse les obligations de la loi » (V.S 23). « La loi fut donnée par Moïse ; La grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ » [Evangile de Saint Jean 1, 17] (V.S 23). Saint Thomas d'Aquin a pu écrire que la loi nouvelle est la grâce de l’Esprit Saint donné par la foi au Christ (V.S 24). On n'a pas à s'inquiéter car le Christ est avec nous pour toujours jusqu'à la fin des temps par l'Eglise comme l'enseigne le concile Vatican II : « L'Eglise perpétue dans sa doctrine, sa vie et son culte et transmet à chaque génération tout ce qu'elle est elle même, tout ce qu'elle croit. Cette tradition qui vient des apôtres se poursuit dans l'Eglise, sous l'assistance du Saint-Esprit » [constitution dogmatique Dei Verbum n° 8] (V.S 27).
La seconde partie est le chapitre central et la plus difficile à comprendre car de portée doctrinale. Le Pape désire énoncer les principes nécessaires pour le discernement de ce qui est contraire à la saine doctrine, et rappeler les éléments de l'enseignement moral de l'Eglise qui semblent aujourd'hui particulièrement exposés à l'erreur, à l’ambiguïté ou à l'oubli (V.S 30). Pour cela l'Eglise redonne aujourd'hui encore, la réponse du Maître, (que l'on a étudié dans la première partie par le dialogue de Jésus avec le jeune homme riche) car elle possède une lumière et une force capables de résoudre même les questions les plus discutées et les plus complexes.
Cette deuxième partie de l'encyclique se divise en quatre sous parties. La première sous partie concerne la liberté. Les problèmes humains qui sont les plus débattus et diversement résolus par la réflexion morale contemporaine se rattachent tous, bien que de manière différente, à un problème crucial, celui de la liberté de l'homme (V.S 31). On a exalté la liberté au point d'en faire un absolu, qui serait source des valeurs (V.S 32). En effet, on a tendance à dire aujourd'hui que ma liberté consiste à faire ce que je veux. Cependant, il n'y a pas de morale sans liberté ; C'est toujours librement que l'homme se tourne vers le bien.
Mais quelle liberté ? Dieu a voulu laisser l'homme à son propre conseil (Sirac = Ecclésiastique 15, 14) pour qu'il puisse de lui-même chercher son créateur et, en adhérant librement à lui, s'achever ainsi dans une bienheureuse plénitude (V.S 34). Le Christ quant à lui fait le lien entre la liberté et la vérité : « Vous connaissez la vérité et la vérité vous rendra libre » (Evangile de Saint Jean 8, 32). Le livre de la Genèse 2, 16-17 nous montre, par l'image de l'arbre de la connaissance du bien et du mal, que le pouvoir de décider du bien et du mal n'appartient pas à l'homme mais à Dieu seul (V.S 35). La loi de Dieu n'atténue donc pas la liberté de l'homme et encore moins l'élimine ; au contraire, elle la protège et la promeut (V.S 35).
Il est absolument nécessaire de clarifier, à la lumière de la Parole de Dieu et de la Tradition vivante de l'Eglise, les notions fondamentales de liberté humaine et de loi morale, de même que les rapports profonds qui les lient étroitement (V.S 37). La constitution du Concile Vatican II Gaudium et Spes n° 36 dit : « Les choses crées et les sociétés elles-mêmes ont leurs lois et leurs valeurs propres, que l'homme doit peu à peu apprendre à connaître, à utiliser et à organiser » (V.S 38).
De même que l'homme façonne le monde par son intelligence et par sa volonté en le maîtrisant, de même l'homme confirme, développe et consolide en lui-même sa ressemblance avec Dieu en accomplissant des actes moralement bons car la créature sans Créateur s'évanouit (V.S 39). On doit donc dire que la loi est une expression de la Sagesse divine : en s'y soumettant, la liberté se soumet à la vérité de la création. C'est pourquoi il convient de reconnaître dans la liberté de la personne humaine l'image et la proximité de Dieu qui est présent en tous [Ephésiens 4, 6] (V.S 41).
L'homme peut reconnaître le bien et le mal grâce au discernement du bien et du mal que lui-même opère par sa raison, en particulier par sa raison éclairée par la Révélation divine (la Bible) et par la foi, en vertu de la loi que Dieu a donnée au peuple élu, à commencer par les commandements du Sinaï (V.S 44).Et pour conclure cette partie, il faut parler de la loi naturelle. Celle-ci se réfère à la nature de la personne humaine, corps et âme, dans l'unité de ses inclinations d'ordre spirituel (spirituel pris ici au sens d'esprit) ou biologique et de tous les autres caractères spécifiques nécessaires à la poursuite de sa fin (V.S 50). Toutes les théories ou opinions qui s'opposent à la loi naturelle sont fausses car contraire à ce qu'est la personne humaine.
La deuxième sous partie concerne la conscience et la vérité. Avant d'étudier ce qu'il est dit dans l'encyclique, nous allons essayer de définir ce qu'est la conscience, l'âme et l'esprit. L'âme et l'esprit c'est la même chose ; Deux mots pour désigner la même réalité. Qu'est-ce que l'âme ? L'âme (du latin anima, souffle, vie) est le principe de vie, de mouvement, et de pensée de l'être humain. On peut dire que ce sont les parents qui donnent le corps à leur enfant et que Dieu répond librement sur l'initiative des parents en créant l'âme qui est unique. La conscience quant à elle fait partie de l'âme et se divise en deux parties :
a) La conscience psychologique : c'est la connaissance qu'un homme a de sa propre activité psychique et, à travers elle, de lui-même comme sujet humain ;
b) La conscience morale : c'est la faculté ou le fait de porter des jugements de valeur morale sur ses actes. La conscience morale apparaît au moment où l'être humain prend conscience de sa responsabilité, de sa capacité d'être un sujet responsable de sa propre conduite. La conscience morale se construit positivement en articulant sa propre liberté à celle des autres. Former sa conscience morale, c'est apprendre à faire ses propres choix en tenant compte des autres et, si l'on est croyant, en tenant compte de l'appel de Dieu.
Aussi bien, la réflexion personnelle, le conseil de personnes expérimentées, la confrontation avec les autres, la prise en compte de la loi humaine ou ecclésiale, l'écoute de la Parole de Dieu etc. peuvent faciliter la maturation de la conscience morale. On remarque que la conscience présente un paradoxe qui en fait la richesse ; elle est tout à la fois :
a) Autonomie et liberté : je suis responsable de mes actes bons et mauvais ;
b) dépendance et obéissance : je fais mes choix en tenant compte des autres et de Dieu.
Etudions maintenant ce que dit l'encyclique sur la conscience et la vérité. Le lien qui existe entre l'homme et la loi de Dieu se noue dans sa conscience morale (V.S 54). Cette loi est inscrite par Dieu au coeur de l'homme ; sa dignité est de lui obéir, et c'est elle qui le jugera [épître aux Romains 2, 14-16] (V.S 54). D'où l'importance de l'interprétation que l'on donne de la conscience morale qui permet de comprendre le lien entre liberté et loi (V.S 54).
D'après les paroles de Saint Paul aux Romains 2, 14-15, la conscience place l'homme devant la Loi, en devenant elle-même un témoin. La conscience ne donne son témoignage qu'à la personne elle-même. et de son côté, seule la personne peut connaître sa réponse à la voix de sa propre conscience (V.S 57). C'est pourquoi l'on dit que seul Dieu sonde les reins et les coeurs. On n'évaluera jamais comme il le faudrait l'importance de ce dialogue intime de l'homme avec lui-même. Mais il s'agit du dialogue de l'homme avec Dieu, auteur de la Loi, modèle premier et fin ultime de l'homme (V.S 58).
Saint Paul en Romains 2, 15 explique la manière dont la conscience joue son rôle de témoin. La conscience morale émet un jugement moral sur l'homme et sur ses actes, jugement d'absolution ou de condamnation selon que les actes humains sont ou non conformes à la loi de Dieu écrite dans le coeur (V.S 59). Comme la loi naturelle elle-même et comme toute connaissance pratique, le jugement de la conscience a un caractère impératif : l'homme doit agir en s'y conformant. Si l'homme agit contre ce jugement ou si, par défaut de certitude sur la justesse ou la bonté d'un acte déterminé, il l'accomplit, il est condamné par sa conscience elle même, norme immédiate de la moralité personnelle (V.S 60).
La conscience n'est pas une source autonome et exclusive pour décider ce qui est bon et ce qui est mauvais ; au contraire, en elle est profondément inscrit un principe d'obéissance à l'égard de la norme objective qui fonde et conditionne la conformité de ses décisions aux commandements et aux interdits qui sont à la base du comportement humain" [encyclique Dominum et Vivificantem du 18 mai 1986) n° 43] (V.S 60).
Pour avoir une bonne conscience, l'homme doit chercher la vérité et juger selon cette vérité (V.S 62). Quelle est cette vérité ? Saint Paul nous dit que la conscience n'est pas un juge infaillible (V.S 62). Est vrai ce qui est conforme à ma conscience. Nous devons donc former la conscience et la rendre objet d'une conversion continuelle à la vérité et au bien. C'est le coeur tourné vers le Seigneur et vers l'amour du bien qui est la source des jugements vrais de la conscience (V.S 64). Saint Thomas d'Aquin dit que pour former sa conscience, la connaissance de la Loi de Dieu est certes généralement nécessaire mais elle n'est pas suffisante ; il est indispensable qu'il existe une sorte de connaturalité entre l'homme et le bien véritable (V.S 64). Une telle connaturalité s'enracine et se développe dans les dispositions vertueuses de l'homme lui-même : la prudence et les autres vertus cardinales (la tempérance, la justice et la force), et d'abord les vertus théologales de foi, d'espérance et de charité (V.S 64).
Pour former leur conscience, les chrétiens sont grandement aidés par l'Eglise et par son Magistère (V.S 64). L'Eglise se met toujours et uniquement au service de la conscience, en l'aidant à ne pas être ballottée à tout vent de doctrine au gré de l'imposture des hommes (épître aux Ephésiens 4, 14), à ne pas dévier de la vérité sur le bien de l'homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle.
La troisième sous partie concerne le choix fondamental et les comportements concrets. Dans cette partie il s'agit du rapport entre la personne et ses actes. L'option fondamentale, dans la mesure où elle se distingue d'une intention générale est toujours mise en oeuvre grâce à des choix conscients et libres. C'est précisément pourquoi elle est récusée lorsque l'homme engage sa liberté par des choix conscients qui s'y opposent, en matière moralement grave (V.S 67). Séparer option fondamentale et comportements concrets revient à contredire l'unité corps et âme (V.S 67). On ne peut juger de la moralité, dés lors qu'on omet de vérifier si le choix délibéré d'un comportement concret est conforme ou contraire à la dignité et à la vocation intégrale de la personne humaine (V.S 67). V.S 68 dit que malgré l'option fondamentale (rester fidèle à Dieu) l'homme peut se perdre par chaque péché mortel commis de manière délibérée. D'où certains théologiens s'opposent à la distinction traditionnelle entre péchés mortels et péchés véniels. Pour ces théologiens dit V.S 69, l'homme ne peut pas faire un péché mortel et ensuite retourner vers Dieu dans un esprit de pénitence sincère.
Il faut donc évaluer la gravité du péché en regardant le degré d'engagement de la liberté de la personne qui commet un acte plutôt que la matière de cet acte. (V.S 70) nous redit l'importance et l'actualité permanente de la distinction entre péchés mortels et péchés véniels selon la tradition de l'Eglise. Il faut insister sur le fait qu'un péché est mortel quand il a pour objet une matière grave et qui, de plus, est commis en pleine conscience et de consentement délibérée (V.S 70) : « Avec toute la tradition de l'Eglise, nous appelons péché mortel l'acte par lequel un homme, librement et consciemment, refuse Dieu, sa loi, l'alliance d'amour que Dieu lui propose, préférant se tourner vers lui-même, vers quelque réalité créée et finie, vers quelque chose de contraire à la volonté de Dieu. Cela peut se produire d'une manière directe et formelle, comme dans les péchés d'idolâtrie, d'apostasie, d'athéisme ; ou, d'une manière qui revient au même, comme dans toutes les désobéissances aux commandements de Dieu en matière grave » (V.S 70).
La quatrième sous partie a rapport à l'acte moral. La relation entre la liberté de l'homme et la loi de Dieu, qui se réalise de façon profonde et vivante dans la conscience morale, se manifeste et se concrétise dans les actes humains (V.S 71). Les actes humains sont des actes moraux parce qu'ils expriment et déterminent la bonté ou la malice de l'homme qui les accomplit (V.S 71). La moralité des actes est définie par la relation entre la liberté de l'homme et le bien authentique. Ce bien est établi comme Loi éternelle : cette Loi éternelle est connue autant grâce à la raison naturelle de l'homme [et ainsi, elle est loi naturelle], que, de manière intégrale et parfaite, grâce à la révélation surnaturelle de Dieu [elle est appelée Loi divine] (V.S 72). Seul l'acte conforme au bien peut être la voie qui conduit à la vie. La vie morale consiste dans l'orientation délibérée des actes humains vers Dieu, bien suprême et fin ultime de l'homme. Dans les numéros 72 à 75 de V.S nous voyons les deux erreurs à ne pas faire :
a) La première erreur s'appelle le téléologisme. Peu importe, selon cette théorie, les actes concrets posés par la personne, seules comptent l'orientation générale de la vie et de la volonté de suivre le Christ ;
b) La deuxième erreur s'appelle le conséquentialisme et le proportionalisme. Pour ces deux théories, la moralité d'un acte doit se juger selon la gravité de ses conséquences, il faut donc choisir ce qui occasionne le moins de mal possible.
De semblables théories ne sont pas fidèles à la doctrine de l'Eglise, puisqu'elles croient pouvoir justifier, comme moralement bons, des choix délibérés de comportements contraires aux commandements de la Loi divine et de la loi naturelle (V.S 76). Quand l'Apôtre Paul résume l'accomplissement de la loi dans le précepte d'aimer son prochain comme soi-même (épître aux Romains 13, 8-10), il n'atténue pas les commandements, mais il les confirme, puisqu'il en révèle les exigences et la gravité. L'amour de Dieu et l'amour du prochain sont inséparables de l'observance des commandements de l'alliance, renouvelée dans le sang de Jésus Christ et dans le don de l'Esprit. C'est justement l'honneur des chrétiens d'obéir à Dieu plutôt qu'aux hommes (Actes des Apôtres 4, 19 et 5, 29) et, pour cela, d'accepter même le martyr, comme l'ont fait des saints et des saintes de l'Ancien et du Nouveau Testament, reconnus tels pour avoir donné leur vie plutôt que d'accomplir tel ou tel geste particulier contraire à la foi ou à la vertu.
Le Catéchisme de l'Eglise Catholique, à la suite de Saint Thomas d'Aquin affirme qu'il y a des comportements concrets qu'il est toujours erroné de choisir parce que leur choix comporte un désordre de la volonté, c'est à dire un mal moral" (V.S 78). Comme certains nous accusent outrageusement de le dire, devrions-nous faire le mal pour qu'en sorte le bien ? Ceux-là méritent leur propre condamnation" (épître aux Romains 3, 8). Le patron des moralistes et des confesseurs enseigne : "Il ne suffit pas de faire des oeuvres bonnes, mais il faut les faire bien. Afin que nos oeuvres soient bonnes et parfaites, il est nécessaire de les faire dans le seul but de plaire à Dieu" (V.S 78).
L'Eglise enseigne qu'il y a des actes qui, par eux-mêmes et en eux-mêmes, indépendamment des circonstances, sont toujours gravement illicites, en raison de leur objet. Dans le cadre dû à la personne humaine, le concile Vatican II lui-même donne un ample développement au sujet des actes : "Tout ce qui s'oppose à la vie elle-même, comme toute espèce d'homicide, le génocide, l'avortement, l'euthanasie et même le suicide délibéré ; Tout ce qui constitue une violation de l'intégrité de la personne humaine, comme les mutilations, la torture physique ou morale, les contraintes psychologiques.
Tout ce qui offense à la dignité de l'homme, comme des conditions de vie sous-humaines, les emprisonnements arbitraires, les déportations, l'esclavage, la prostitution, le commerce des femmes et des jeunes ; ou encore des conditions de travail dégradantes qui réduisent les travailleurs au rang de purs instruments de rapport, sans égard pour leur personnalité libre et responsable : toutes ces pratiques et d'autres analogues sont, en vérité, infâmes. Tandis qu'elles corrompent la civilisation, elles déshonorent ceux qui s'y livrent plus encore que ceux qui les subissent et insultent gravement l'honneur du Créateur [constitution pastorale Gaudium et Spes n°27] (V.S 80).
L'homme peut comprendre pleinement et vivre parfaitement, par ses actes bons, sa vocation à la liberté dans l'obéissance à la Loi divine, qui se résume dans le commandement de l'amour de Dieu et du prochain. Cela se réalise par le don de l'Esprit Saint, Esprit de vérité, de liberté et d'amour : en lui, il nous est donné d'intérioriser la Loi, de la percevoir et de la vivre comme le dynamisme de la vraie liberté personnelle : cette loi est « la Loi parfaite de la liberté » [épître de Saint Jacques 1, 25] (V.S 83).
La troisième et dernière partie est le point culminant de l'encyclique. Il s'agit d'une méditation sur la personne du Christ qui permet à l'homme de "libérer sa liberté". Selon la foi chrétienne et la doctrine de l'Eglise, seule la liberté qui se soumet à la vérité conduit la personne humaine à son vrai bien. Le bien de la personne est d'être dans la Vérité et de faire la vérité (V.S 84). Or actuellement, on fait n'importe quoi de sa liberté car on a oublié qui on est, d'où on vient et où on va poursuit V.S 84. On a oublié que l'on est une personne humaine donc « on ne reconnaît plus le caractère absolu et indestructible » d'aucune valeur morale (V.S 84). Et si on est croyant, on ne croit plus, au fond, que la Loi de Dieu soit toujours l'unique vrai bien de l'homme (V.S 84).
Le Christ crucifié révèle le sens authentique de la liberté, il le vit en plénitude par le don total de lui-même et il appelle ses disciples à participer à sa liberté (V.S 85). C'est la vérité qui rend libre face au pouvoir et qui donne la force du martyr (V.S 87). En Jésus-Christ, l'attachement à la vérité et l'adoration de Dieu se présentent comme les racines les plus intimes de la liberté (V.S 87). Jésus révèle par sa vie même que la liberté s'accomplit dans l'amour, c'est à dire dans le don de soi dans le service de Dieu et de ses frères. Jésus est donc la synthèse vivante et personnelle de la liberté parfaite dans l'obéissance totale à la volonté de Dieu. Son corps crucifié est la pleine révélation du lien indissoluble entre la liberté et la vérité, de même que sa résurrection des morts est la suprême exaltation de la fécondité et de la force salvifique d'une liberté vécue dans la vérité (V.S 87). Il est urgent que les chrétiens redécouvrent la nouveauté de leur foi et la force qu'elle donne au jugement par rapport à la culture dominante et envahissante (V.S 88).
La foi chrétienne n'est pas seulement un ensemble de propositions à accueillir et à ratifier par l'intelligence ; c’est une connaissance et une expérience du Christ, une mémoire vivante de ses commandements, une vérité à vivre (V.S 88). La foi a aussi un contenu moral : elle est source et exigence d'un engagement cohérent de la vie ; Elle comporte des commandements divins (V.S 89). Par la vie morale, la foi se fait témoignage par le don de soi total comme l'a fait Jésus sur la Croix (V.S 89). La charité peut amener le croyant au témoignage suprême du martyre (V.S 89). L'homme ne peut trouver que dans l'obéissance aux normes morales universelles la pleine confirmation de son unité en tant que personne et la possibilité d'un vrai progrès moral ; devant les exigences morales, nous sommes tous absolument égaux (V.S 96).
Les règles morales fondamentales de la vie sociale comportent des exigences précises auxquelles doivent se conformer aussi bien les pouvoirs publics que les citoyens : les commandements de la deuxième table du décalogue que Jésus rappelle aussi au jeune homme de l'Evangile (Evangile de Matthieu 19, 18 et 19) constituent les règles premières de toute vie sociale.
L'Eglise règle la vie sociale, économique et politique (dans sa doctrine sociale) non seulement les attitudes générales, mais aussi les comportements et les actes concrets précis et déterminés (V.S 99). Dans tous les domaines de la vie personnelle, familiale sociale et politique, la morale rend donc un service original, irremplaçable et de très haute valeur, non seulement à la personne pour son progrès dans le bien, mais aussi à la société pour son véritable développement (V.S 102).
C'est dans la Croix salvifique de Jésus, dans le don de l'Esprit Saint, dans les sacrements qui naissent du côté transpercé du rédempteur que le croyant trouve la grâce et la force de toujours observer la Loi sainte de Dieu, même au milieu des plus graves difficultés (V.S 103). Penser à la parabole du pharisien et du publicain (Evangile de Luc 18, 9-14) : Le publicain nous présente une consciente pénitente qui se rend pleinement compte de la fragilité de sa nature et qui voit dans ses manquements une confirmation du fait qu'il a besoin de rédemption ; Le pharisien nous présente une conscience satisfaite d'elle-même qui est dans l'illusion de pouvoir observer la loi sans l'aide de la grâce et a la conviction de ne pas avoir besoin de miséricorde (V.S 104).
La morale fait partie de l'évangélisation. Le théologien moraliste doit exercer un discernement attentif dans le cadre de la culture actuelle essentiellement scientifique et technique, exposée aux risques du relativisme, du pragmatisme et du positivisme ; Du point de vue théologique, les principes moraux ne dépendent pas du moment de l'histoire où on les découvre (V.S 112). C'est la première fois que le Magistère de l'Eglise fait un exposé d'une certaine ampleur sur les éléments fondamentaux de cette doctrine, et qu'il présente les raisons du discernement pastoral qu'il est nécessaire d'avoir dans des situations pratiques et des conditions culturelles complexes et parfois critiques (V.S 115). Les Evêques ont le devoir de veiller personnellement à ce que la saine doctrine (1 Timothée 1, 10) de la foi et de la morale soit enseignée dans nos diocèses (V.S 116).
La conclusion se fait avec Marie mère de miséricorde. Le numéro 118 dit que Marie est mère de Miséricorde parce que Jésus-Christ, son fils, est envoyé par le père pour être la révélation de la miséricorde de Dieu. Il est venu non pour condamner, mais pour pardonner, pour faire usage de la miséricorde. Il n'est aucun péché de l'homme qui puisse annuler la Miséricorde de Dieu, l'empêcher d'exercer toute sa puissance victorieuse aussitôt que nous y avons recours. La Miséricorde de Dieu envers nous c'est la Rédemption. Cette miséricorde atteint sa plénitude par le don de l'Esprit. Enfin le numéro 120 dit que Marie est Mère de Miséricorde également parce que c'est à elle que Jésus confie son Eglise et l'humanité entière.
La loi de la gradualité
La partie sur la loi de gradualité a été rédigée
avec l'aide d'un article de l'association AFFALE
*) Un peu d’histoire :
L'expression loi de gradualité apparaît pour la première fois dans l'Exhortation apostolique « Familiaris Consortio », promulguée en 1981 : Il est toujours d'une grande importance d'avoir une conception droite de l'ordre moral, de ses valeurs et de ses normes, et cela d'autant plus que les difficultés à les respecter deviennent plus nombreuses et plus graves. Les époux, dans la sphère de leur vie morale, sont eux aussi appelés à cheminer sans se lasser, soutenus par le désir sincère et agissant de mieux connaître les valeurs garanties et promues par la loi divine, avec la volonté de les incarner de façon droite et généreuse, dans leurs choix concrets. Ils ne peuvent considérer la loi comme un idéal à atteindre dans le futur, mais ils doivent la regarder comme un commandement du Seigneur Jésus leur enjoignant de surmonter sérieusement les obstacles. C'est pourquoi ce qu'on appelle "la loi de gradualité", ou voie graduelle, ne peut s'identifier à la "gradualité de la loi", comme s'il y avait des degrés et des formes de préceptes selon les personnes et les situations diverses. Tous les époux sont appelés à la sainteté dans le mariage. Ce qui est vrai de la loi de l'amour des époux, l'est de la loi de l'amour de charité. Plusieurs théologiens allemands, dont les Jésuites Karl Rahner, Joseph Fuchs, et le rédemptioniste Bernard Haring, se sont fait les champions de cette "loi" ou théorie et l'on vulgarisée dans le public en lui donnant une "coloration" orientée et contestable. En clair, ils ont feint d’interpréter la "loi de gradualité" comme autorisant une gradualité c'est à dire une adaptation, des aménagements de la "loi divine" : une gradualité de la loi. D'où la nécessité de remettre les pendules à l'heure, ce que fait Jean-Paul II dans cette Encyclique.
*) Qu'est-ce que la loi de gradualité ? :
Puisqu'il y a des opinions contraires à la "loi de gradualité" qui en font une "gradualité de la loi" comme on vient de le voir, il faut expliquer clairement cette expression. Le chrétien est appelé à la sainteté en aimant Dieu et le prochain du même amour. Pour lui permettre d'y parvenir, Dieu dans sa miséricorde lui accorde l'aide de ses commandements et de ses préceptes. Mais, objectent certains théologiens, à notre époque est-ce possible ? Tous les chrétiens sont-ils capables de les suivre ? Certains commandements, par exemple porter jusqu'à sa naissance un enfant non désiré, ne sont-ils pas hors de la portée de beaucoup ? Ne pourrait-on pas, tout en restant fidèle dans l'absolu aux commandements, à la norme, prévoir des graduations (d'où la gradualité), des aménagements, dans certains environnements sociologiques, de la loi divine, "dans un souci pastoral", pour ne pas décourager. Et quelle attitude adoptée par ailleurs envers celui qui déclare : je peux rester fidèle à huit des commandements, mais pas aux dix. Librement, je choisis donc d'en pratiquer huit. Pour le reste, je me fie à la miséricorde divine. Ne faut-il pas être, à notre tour miséricordieux envers lui et l'accueillir tel qu'il est ? En fait cette conception aventureuse ne nie plus objectivement la loi évangélique. Elle en relativise l'application et introduit une graduation, une gradualité, dans l'obéissance et la fidélité.
Or, pour un chrétien, une telle attitude n'est pas, n'est jamais possible. On ne peut être chrétien, catholique et graduer, proportionner notre obéissance aux commandements, à nos capacités humaines. Ce serait graduer, limiter notre amour pour Dieu, notre fidélité à l'alliance, et réduire à néant la croix du Christ (V.S., chapitre III). La norme ne peut être adaptée à la personne et aux circonstances, mais la personne doit accepter la loi et s'évertuer, en sollicitant la grâce de l'Esprit-Saint, de l'appliquer.
La norme, c'est la loi divine que Dieu met à notre disposition, à la portée de l'homme avec toute la puissance de son amour miséricordieux, pour qu'il soit heureux, qu'il accède à la vie éternelle dès ce monde et dans l'autre. Celui qui dit je ne peux pas pratiquer tous les commandements nie en réalité la puissance de la miséricorde divine. Jésus a racheté tous les hommes pour que, libérés du péché et de la mort, ils soient rendus capables de vivre selon la Loi Nouvelle. Et la grâce de Dieu ne nous fera jamais défaut. Les commandements n'excèdent pas la capacité humaine, puisque celle-ci a été régénérée sous l'action du Saint-Esprit. Le Christ a libéré notre liberté de la domination de la concupiscence (attrait naturel, et penchant déréglé pour les plaisirs sensibles, particulièrement les plaisirs sexuels). L'homme libre peut toujours, même s'il est tombé dans le péché, obtenir le pardon et jouir de nouveau de la présence de l'Esprit (V.S. 103). L'espace spirituel de l'Espérance est toujours ouvert pour l'homme avec l'aide de la grâce divine et avec la coopération de la liberté humaine (V.S 103). En vérité, d'innombrables générations de chrétiens ont témoigné de cette fidélité jusqu'à leur mort, et même jusqu'au martyre.
Il n'est jamais permis de faire un mal en vue d'un bien (Epître aux Romains 3, 8). Inacceptable est donc l'attitude de celui qui fait de sa faiblesse le critère de la vérité, sans recourir à Dieu et à sa miséricorde. Cette attitude corrompt la moralité de la société parce qu'elle enseigne le doute sur l'objectivité de la loi morale et le caractère absolu des interdits moraux portant sur des actes déterminés, elle finit par confondre tous les jugements de valeur (V.S. 104). Choisir de pratiquer tel commandement et pas tel autre, en raison de ses possibilités, c'est nier le caractère absolu et universel de la loi divine. Plus, c'est se faire soi-même l'arbitre du Bien et du Mal. C'est anti-chrétien.
Ecoutons le pape Jean Paul II : "A vouloir écouter certaines voix, il semblerait que l'on doive plus reconnaître le caractère absolu et indestructible d'aucune valeur morale. Tous ont sous les yeux le mépris pour la vie humaine déjà conçue et non encore née ; La violation permanente des droits fondamentaux de la personne ; L'injuste destruction des biens nécessaires à une vie simplement humaine. Et même, il est arrivé quelque chose de plus grave : l'homme n'est plus convaincu que c'est seulement dans la Vérité qu'il peut trouver le salut. La force salvifique du vrai est contestée et l'on confie à la seule liberté, déracinée de toute objectivité, la tâche de décider de manière autonome de ce qui est bien et de ce qui est mal (V.S. 84). C'est le péché d'Adam et Eve.
L'homme veut reconnaître (décider) du Bien et du Mal, mange le fruit de l'arbre de la connaissance. Les exigences de la loi divine ne sont pas des formulations arbitraires qui oppriment l'homme, et parmi lesquelles il pourrait choisir ce qu'il peut faire ou ne peut pas faire. Dieu seul a le pouvoir de décider du Bien et du Mal. La liberté humaine est toujours située par rapport à l'arbre de la connaissance de la genèse. Elle ne tire d'elle-même ni son origine, ni son mode de fonctionnement (V.S. 35). Humblement, et dans un esprit filial, nous avons à recevoir la Loi Divine, à l'accepter avec amour, comme un don que Dieu notre Père nous fait en Jésus-Christ notre rédempteur, afin de retrouver notre liberté et notre dignité d'enfants de Dieu responsables. La miséricorde de Dieu pour le péché de l'homme qui se convertit, et sa compréhension (sa patience) envers la faiblesse humaine, ne signifient jamais que l'on (puisse) compromettre ou fausser la mesure de bien et du mal pour l'adapter aux circonstances (V.S. 104).
*) La nécessaire conversion :
Lorsque le Chrétien adhère au Christ, et met sa foi en lui, il doit se convertir, changer de vie, se détourner du péché, pratiquer les commandements et suivre l'appel de Jésus : « Viens et suis moi » (Evangile de Matthieu 19, 16-21). Convertissez-vous, disait déjà Jean-Baptiste. Oui, convertissons-nous chaque jour. La nature humaine de l'homme est blessée. Elle est portée au mal et au péché. Elle est cependant rachetée par la grâce rédemptrice du Christ. L'homme est capable de marcher hardiment vers la sainteté à laquelle il est appelé. Si l'homme succombe, s'il pèche, il doit humblement , comme le publicain de l'Evangile, se reconnaître pécheur, et demander à Dieu dans le sacrement de la réconciliation, s'engager humblement dans la voie du Seigneur en s'efforçant d'être fidèle à tous les commandements, dans une confiance absolue en la grâce et la miséricorde de Dieu. Jamais l'amour régénérateur et miséricordieux du Christ ne lui fera défaut. Car Dieu, qui seul est bon ne lui demande pas l'impossible. Celui qui déteste vraiment le péché revient toujours à la miséricorde de Dieu. Il peut confesser que la miséricorde de Dieu peut aller jusqu'aux frontières de l'impossible.
*) Comment faire ? :
Personne ne saurait arriver à une telle fidélité du jour au lendemain ; cela nécessite des efforts jour après jour. C'est pourquoi l'Eglise, qui est notre Mère, forte de son expérience séculaire, propose aux chrétiens sa pédagogie et des points de repères précis :
-) Les commandements : Le chrétien doit au maximum être strictement fidèle aux préceptes négatifs de la Loi, de la seconde table de la loi, les 6, 7, 8, 9 et 10ème commandements. C'est là un seuil minimal au-dessous duquel on n'est plus chrétien.
-) Les préceptes positifs : La première table de la loi, les cinq premiers commandements, comme les conseils évangéliques du Discours sur la Montagne qui invitent , eux, à un cheminement de croissance sans fin, à une progression continue dans la charité divine.
C'est ce que certains appellent, à juste titre « théonomie ou théonomie participée » parce que l'obéissance libre de l'homme à la loi de Dieu implique effectivement la participation de la raison et de la volonté humaine à la sagesse et à la providence de Dieu.
Pour ce cheminement, l'Eglise nous propose : les modèles des saints et des saintes particulièrement la VIERGE MARIE et le soutien d'une vie de prière, de l'écoute de la Parole de Dieu, la fidélité aux sacrements et la contemplation des Mystères du Christ (V.S. 107). Mais une éducation au Bien et à la vertu est nécessaire, cela dés le plus jeune âge. Faisons désirer l'amour des vertus, qui va de pair avec l'amour de Dieu et des frères, merveilleusement "énoncé" dans les deux tables de la loi.
L'Esprit Saint qui donne la force d'agir selon la loi divine viendra toujours en aide à notre faiblesse pour nous faire grandir dans l'amour de Dieu et de nos frères. Ne pas oublier Sainte Thérèse de l'Enfant Jésus qui dit : " Je veux tout"; c'est cela la vraie réponse du chrétien à l'amour miséricordieux du Crucifié-ressuscité. Si je suis athée ou incroyant, cette Encyclique me concerne t-elle ? La théologie morale est une réflexion sur la "moralité", c'est à dire le caractère bon ou mauvais des actes humains et de la personne humaine qui les pose, et, en ce sens, elle concerne tous les hommes (V.S 29).
MORT ET RESURRECTION
Nous ne pouvons entrer dans la vie trinitaire, avons nous dit, qu'en étant unis au Christ. Or, l'union au Christ ne se fractionne pas. Ce qui est demandé, c'est une union de toute la personne du disciple à toute la personne du Christ ; de toute la vie du croyant à toute la vie du Christ. Donc une plongée dans sa mort pour être unis à sa résurrection. Pourquoi le Christ a-t-il choisi la croix ? :
* D'abord le Fils de Dieu a voulu vivre la relation trinitaire dans la condition corporelle et dans les conditions d'un monde marqué par le péché. Cette attitude impliquait un tel contraste avec le mal que celui-ci ne pouvait que se déchaîner contre lui et chercher à l'éliminer par tous les moyens.
* Ensuite, le Christ n'a cherché à échapper à la mort par aucun moyen surnaturel, pour ne forcer en rien notre liberté. Il témoigne ainsi de l'infini respect du Père pour sa créature humaine.
* Enfin, il s'est fait solidaire de nous. Il a laissé ainsi se creuser entre le Père et lui l'immense distance du péché. Une distance plus grande encore que le plus grand péché. Et à cette distance là, il a encore dit oui.
En nous appuyant sur ce oui là, nous pouvons encore dire oui quel que soit notre péché, quelle que soit notre faiblesse. La loi de gradualité confondue avec la gradualité de la loi méconnaît l'amplitude du don et du oui du Christ. Le renoncement à la contraception peut paraître une mort de l'amour. En réalité, c'est la voie vers sa résurrection.
CONCLUSION
En tant que croyant, je dois accepter, par amour, cette encyclique car je dois obéir au Pape puisque le Christ le veut ainsi (c'est le mystère de Pierre [Evangile de Saint Matthieu 16, 13 à 19], le premier Pape, qui continue avec Jean-Paul II). D'autre part, en lisant cette encyclique je me rends compte qu'elle reste fidèle à toute la tradition de l'Eglise. En effet, l'encyclique s'appuie sur la Bible, les pères de l'Eglise, Saint Thomas d'Aquin et Saint Augustin, le Concile de Trente et le Concile Vatican II. De plus le Pape nous rappelle l'importance des commandements de Dieu (Evangile de Saint Matthieu 19,17). La première épître de Saint Jean 5, 109 résume bien l'essentiel de l'encyclique; Ce passage de la première épître de Saint Jean nous dit qu'aimer Dieu signifie accomplir ses commandements. Et Saint Jean ajoute que ce n'est pas un fardeau car lorsque l'on a la foi en Jésus-Christ et qu'on est né de Dieu, on est vainqueur du monde.
Que se rappeler de cette encyclique ? Nous pouvons retenir cinq choses :
a) V.S 9 et V.S 10 : « Le bien moral consistera à aimer Dieu, à lui appartenir et à obéir à sa loi (loi naturelle car je suis un être humain et Loi divine ayant la foi en Dieu : commandements de Dieu et béatitude connus par la Révélation c'est à dire la Bible) ».
b) V.S 64 : "L'Eglise se met toujours et uniquement au service de la conscience, en l'aidant à ne pas être ballottée à tout vent de doctrine..., à atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle".
c) V.S 69 et 70 reprend la distinction traditionnelle entre péché mortel et péché véniel. L'encyclique au n° 69 réaffirme et rappel la définition de Concile de Trente sur le péché mortel : est péché mortel tout péché qui a pour objet une matière grave et qui, de plus, est commis en pleine conscience et de consentement délibéré.
d) "La morale est d'une étonnante simplicité : il suffit de suivre le Christ pas à pas, sous la mouvance de l'Esprit, à se laisser transformer et renouveler par sa grâce et par sa miséricorde qui nous rejoignent dans la vie de communion de son Eglise" (V.S 119). Donc la morale chrétienne consiste à vivre de l'Amour et de ses exigences comme on vient de le voir par le passage de la première épître de Saint Jean cité plus haut ; De plus on ne peut pas faire le mal en vue du bien (épître aux Romains 3,8).
e) V.S 118 : "Il n'est aucun péché de l'homme qui puisse annuler la miséricorde de Dieu, l'empêcher d'exercer toute sa puissance victorieuse aussitôt que nous y avons recours... Marie... comprend l'homme pécheur et elle l'aime d'un amour maternel. Voilà pourquoi elle est du côté de la Vérité et partage le fardeau de l'Eglise dans son rappel des exigences morales à tous et en tous temps".
Si je suis athée ou incroyant, cette encyclique me concerne t-elle ? La théologie morale est une réflexion sur la moralité, c'est à dire le caractère bon ou mauvais des actes humains et de la personne humaine qui les pose, et, en ce sens, elle concerne tous les hommes (V.S 29).
Qu'apporte ma foi, le fait de croire en Dieu, à la morale ? Le numéro 29 de l'encyclique poursuit en disant : « ...mais c'est aussi une théologie (discours sur Dieu), car elle reconnaît le principe et la fin de l'agir moral en Dieu qui seul est bon et qui, en se donnant à l'homme dans le Christ, lui offre la béatitude de la vie divine ».
La morale est indispensable à l'accomplissement du dessein divin. Le premier pas de la morale chrétienne est la prière. C'est pourquoi l'encyclique se termine par une prière... une prière à Marie, Mère de Miséricorde, Médiatrice de toutes grâces.