Noël du brin de paille
Voilà, ils sont partis, voilà, plus rien à voir. Les anges, les bergers, les gens, les mages, Tous sont partis sous la nuit et l'orage.
Le ciel s'est refermé comme une fenêtre qu'on ferme.
Il n'y a plus personne dans l'étable muette.
La toile d'araignée au mur de pierre Est un haillon de suie et de poussière. Il n'y a plus personne dans l'étable déserte.
On voit par le carreau cassé la
ferme D'où sont venus les paysans réveillés par les anges
Et cette ferme brûle et fume, incendiée. Une patrouille porte ailleurs la mort.
Il n'y a plus personne dans l'étable noire Et les étoiles sont des cailloux inutiles.
Il fait un vent de fin du monde, ici,
Et Dieu, Dieu s'il existe, rêve en un verger Que jamais nous ne verrons d'ici-bas.
Le lot de l'homme est de mourir
Et de rêver que Dieu veut qu'il vive avec lui.
Dans l'ombre je ramasse un brin
de paille Souillé, boueux, la seule trace
De cette nuit-là, mon Dieu !
Que puis-je faire avec cette lueur
De paille entre mes doigts et que je n'ose rompre ?
Ce peu de chose, ce rien est le véritable lien
Et le seul qui te relie
A ton Dieu qui voulut naître en ce pauvre lieu, toi-même ;
Moi qui n'eus pas une pierre.
Non plus que toi cette nuit
Sur terre où me reposer
Et voulus connaître
La misère de ta vie,
Ce désert, ce désarroi.
Il te fallut en chemin,
Il te fallait, à la fin, perdre tout bien, tout espoir,
Toute croyance pour croire et ici me reconnaître pareil à toi-même
Tel que tu es devenu.
Au seuil de la porte étroite Comme fissure d'aiguille,
Sans avoir et sans savoir, délivré de toi,
Ne sachant pas que je t'aime,
Ne le sachant plus.
Te voici fragile
Et nul comme ce fétu.
Voici que tu viens de naître.
Poème extrait du livre de Claude-enri Rocquet,
Polyptyque de Noël, Ad Solem, 160 p., 15 €.
Reproduit avec l'aimable autorisation de l'auteur et de l'éditeur et trouvé dans la revue de l’homme Nouveau numéro 1385 du 23 décembre 2006
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