La maladie chez sainte Hildegarde
Chez Hildegarde la maladie n'est pas un fardeau ni une chose épouvantable et terrifiante, mais une chance de modifier toute sa vie, de se libérer de ses charges (de ses vices) et de devenir un homme nouveau. Dieu apporte son aide à l'homme non pas en supprimant la maladie ou la mort, mais pendant que l'homme se transforme, se convertit et se débarrasse du style de vie qui le rendait malade. La foi délivre du péché et incite à la conversion. C'est tout à fait d'actualité : l'incroyance ne voit que la superficie de la réalité, le monde matériel - et comme la science strictement et unilatéralement orientée vers les phénomènes numérables et mesurables - elle ne reconnaît que ce qu'elle peut mesurer, compter et peser.
C'est particulièrement pour notre temps, ou la civilisation et la désunion ont amené les hommes à désapprendre les mystères de Dieu, qu'Hildegarde projette une lumière nouvelle dans cette nuit. Grâce à elle, les chrétiens peuvent de nouveau remplir leur complète mission par la proclamation et par des soins éclairés, ainsi que saint Benoît, patriarche (en Occident) de l'Ordre monastique dont fit partie Hildegarde, l'a dit au chapitre 36 de sa "Règle": "On prendra soin des malades avant tout et par-dessus tout, les soignant comme s'ils étaient le Christ en personne, puisqu'il a été dit: "J'ai été malade, et vous m'avez visité" (Mt 25,36) et "Ce que vous avez fait à l'un de ces petits, c'est à Moi que vous l'avez fait"" (Mt 25,40). En ce sens, la médecine hildegardienne est un cadeau de Dieu pour notre temps. Une authentique guérison comporte aussi l'équivalent psychique de la maladie, le sens de la maladie.
Qu'est-ce que Dieu veut me dire par cette maladie ? Une personne guérie d'après Hildegarde est donc ensuite en meilleure santé qu'auparavant, chose que l'on ne peut affirmer de toutes les méthodes modernes de traitement. La médecine hildegardienne est une médecine préventive. Il est plus aisé de prévenir que de traiter les maladies de la civilisation moderne, comme, par exemple, les maladies de la circulation cardiaque ou le cancer.
Le régime préconisé par Hildegarde et un convenable mode de vie sont plus importants que tous les médicaments et les interventions chirurgicales. Chez Hildegarde, il n'y a pas du tout de ces interventions et des opérations. Et l'on peut penser que viendra bientôt un temps où l'on s'étonnera de la tentative de vouloir tout guérir par des opérations ou des drogues merveilleuses (cortisone, antibiotiques). Les traitements indiqués par Hildegarde présentent des analogies avec les procédés modernes de traitements naturels, sans pourtant s'identifier à eux.
Quel procédé curatif peut-être employé dans la médecine hildegardienne ? Le fondement, c'est la vérité sur le régime alimentaire et le mode de vie. Si Hildegarde a raison, nous devons commencer par là: le régime est plus important que toutes les drogues. Le mystère des produits alimentaires se trouve dans la subtilité qui, sans Hildegarde, ne serait connue de personne. La "subtilité" est le nom qu'Hildegarde a souvent donné à son livre de médecine. La subtilité, chez Hildegarde, signifie ce que Dieu a particulièrement caché pour l'homme dans les choses naturelles en vue de l'homme, ce que précisément personne ne connaît, sauf Dieu seul et Hildegarde à laquelle Il l'a montré.
Il y a très peu de produits alimentaires qui soient cent pour cent excellents pour l'homme. De ce petit nombre font partie l'épeautre, les châtaignes, le fenouil. Un mode sain de vie comporte aussi, chez Hildegarde, la diététique chrétienne courante de la mesure en toutes choses: le manger, la boisson, la sexualité, le sommeil et le mouvement. Dans son Manuel Hildegarde a écrit maintes fois là-dessus, et elle en a aussi donné les raisons. Elle a même écrit sur l'influence que le vent et le sommeil, les saisons et les zones cultivées peuvent exercer sur le régime et sur l'être humain. Elle traite des vertus des quatre éléments du monde (le feu, l'eau, l'air et la terre), de l'influence de la qualité de l'eau et de la nature du sol sur les aliments et la récolte. Chez Hildegarde, nous sommes à l'abri des exagérations: ni un végétarisme extrémiste, ni la nourriture crue, ni l'antialcoolisme radical ne sont sanctionné en bloc par Hildegarde. Le vin et la bière ont une valeur diététique tout à fait importante, soit comme remède, soit comme boisson. Hildegarde attache du prix au fait éventuel qu'un aliment quelconque puisse rendre joyeux ou triste, ou exercer une influence psychique négative.
Qui pourrait aujourd'hui nous dire là-dessus quelque chose d'universellement reconnu ? Qui donc délivre notre organisme de nos poisons ?
L'homme acquiert grand nombre de maux au cours de sa vie par un mode irrationnel de vie (suralimentation), par la pollution de l'environnement ou par des violences contre l'harmonie de la création, qui amènent des humeurs corporelles nocives; causes de maladies. Pour de telles choses précisément Hildegarde a prévu un grand nombre de procédés d'élimination qui enlèvent les poisons, ou de cures purifiantes sur la peau au moyen de bains, de sauna, d'enveloppements et d'onctions. A ce titre, le jeûne, une opération sans bistouri, joue un rôle important comme un excellent moyen universel de changement de mentalité. Hildegarde écrivait en latin; mais chez elle beaucoup de mots courants ont une signification particulière, par exemple le mot viriditas, la verdeur, la vivacité. Ce mot n'apparaît jamais en quelque autre écrit médical. Hildegarde nomme viriditas ce qui vit, l'énergie vitale qui vient de Dieu, la force de la jeunesse, de la sexualité, la vivacité des germes, la multiplication des cellules et la force de régénération, la fraîcheur et la créativité. La faiblesse de la vie, la perte de l'énergie vitale consiste en la tragédie de la perte de la foi, dans le péché, dans le dessèchement de la foi.
Un homme desséché perd de sa capacité de créativité, et la guérison et la délivrance hors de ce désert proviennent du don de la foi par Jésus-Christ. Hildegarde appelle donc la Vierge Marie viridissima Virgo. Une autre notion hildegardienne est la bile noire, la mélanchè, d'où est formé le mot "mélancolie". La médecine hildegardienne repose sur l'idée que tous les processus à l'intérieur de l'homme sont à ramener à des écoulements et des substances biochimiques. Ce qui rend triste et qui joue un rôle dans toute maladie grave, Hildegarde l'appelle la substance noire (la substance colorante de la bile), qui a été formée, à partir d'une bile originelle, par la chute de l'homme dans le péché. Le calcul biliaire qui était, chez Adam, clair comme le cristal s'est transformé, du fait du péché originel, en substance noire dans la bile (c'est la mélanchè proprement dite) et en acide biliaire qui est apparenté avec le cholestérol et les hormones sexuelles. Cette "mélanchè" se trouve dans le sang, davantage chez les gens mal portants que chez les bien portants. Beaucoup de processus corporels et psychiques sont par là génétiquement influencés, et c'est le propre de la médecine hildegardienne d'éliminer ces substances propres à chaque être humain et qui déclenchent la maladie.
Sur le principe de la neutralisation de la "mélanchè" reposent aussi quelques remèdes actifs contre la mélancolie. Au contraire, bien des formes fausses de vie, comme par exemple, un repas de midi englouti précipitamment sans aucune esthétique (fast food), accroissent cette substance dépressive.
La médecine hildegardienne est un art de guérir l'âme. Hildegarde n'a pas seulement composé un livre traitant spécialement d'une psychothérapie (le "Liber vitae meritorum"), mais elle a aussi décrit des aspects tout à fait courants de la vie quotidienne dans leurs effets corporels. Elle énumère une liste de 35 facteurs de risques évitables; depuis la colère qui délabre les nerfs, le désespoir qui provoque la luxure, jusqu'à la cupidité qui engendre le pessimisme. L'incroyance est la cause de tous les maux, et toute foi accroît le succès de la guérison.