AUDIENCE GÉNÉRALE
Mercredi 24 novembre 1999
La promotion de la femme
JEAN-PAUL II
Lecture: Gn 1,
26-28
1. Parmi les défis du moment historique actuel sur lesquels le grand Jubilé nous
pousse à réfléchir, j'ai indiqué, dans la Lettre apostolique Tertio millennio
adveniente, celui qui est lié au respect des droits de la femme (cf. TMA,
n. 51). Je désire aujourd'hui rappeler quelques aspects de la problématique
féminine, sur laquelle, du reste, je n'ai déjà pas manqué d'intervenir en
d'autres occasions.
L'Ecriture Sainte jette une lumière importante sur le thème de la promotion de
la femme, en indiquant le projet de Dieu sur l'homme et sur la femme dans les
deux récits de la création.
Dans le premier, il est affirmé: "Dieu créa l'homme à son image, à l'image de
Dieu il le créa, homme et femme il les créa" (Gn 1, 27). Il s'agit d'une
affirmation qui se trouve à la base de l'anthropologie chrétienne, car elle
indique le fondement de la dignité de l'homme en tant que personne dans son être
créé "à l'image" de Dieu. Dans le même temps, le texte dit avec clarté que ni
l'homme, ni la femme ne sont séparément à l'image du Créateur, mais l'homme et
la femme le sont dans leur réciprocité. Ils représentent en égale mesure le
chef-d'oeuvre de Dieu.
Dans le deuxième récit de la création, à travers le symbolisme de la création de
la femme née de la côte de l'homme, l'Ecriture met en évidence que l'humanité
n'est, de fait, pas complète tant que la femme n'est pas créée (cf. Gn 2,
18, 24). Celle-ci reçoit un nom qui, déjà dans l'assonance verbale de la langue
hébraïque, indique une relation à l'homme (is/issah). "Créés ensemble, l'homme
et la femme sont voulus par Dieu l'un pour l'autre" (Catéchisme de l'Eglise
catholique, n. 371). Le fait que la femme soit présentée comme une "aide qui
lui soit assortie" (Gn 2, 18) ne doit pas être compris dans le sens où la
femme est la servante de l'homme - "aide" n'équivaut pas à "serviteur", le
Psalmiste dit à Dieu: "Sur toi j'ai mon appui" (Ps 70, 6; cf. 115,
9.10.11; 118, 7; 146, 5) -; l'expression signifie plutôt que la femme est en
mesure de collaborer avec l'homme, car elle lui correspond parfaitement. La
femme est un autre type de "moi" dans la commune humanité, constituée en
parfaite égalité de dignité par l'homme et la femme.
2. Il faut se réjouir du fait que l'approfondissement de la "féminité" ait
contribué, dans la culture contemporaine, à repenser le thème de la personne
humaine en fonction du réciproque "être pour l'autre", dans la communion
interpersonnelle. Aujourd'hui, concevoir la personne dans sa dimension oblative
est en passe de devenir une acquisition de principe. Malheureusement, cela reste
souvent lettre morte sur le plan pratique. Parmi les nombreuses agressions à la
dignité humaine, il faut donc dénoncer avec force la violation courante de la
dignité de la femme, qui se manifeste par l'exploitaton de sa personne et de son
corps. Il faut empêcher avec force toute pratique qui offense la femme dans sa
liberté et sa féminité: ce qui est défini comme "tourisme sexuel", la vente de
jeunes filles, la stérilisation de masse et, en général, toute forme de violence
à l'égard de l'autre sexe.
L'attitude requise par la loi morale, qui prêche la dignité de la femme comme
personne créée à l'image d'un Dieu-Communion, est bien différente! Il est
aujourd'hui plus que jamais nécessaire de reproposer l'anthropologie biblique de
la relation, qui aide à saisir de façon authentique l'identité de la personne
humaine dans sa relation avec les autres personnes et en particulier entre homme
et femme. Dans la personne humaine, pensée en termes de "relation", se retrouve
un vestige du mystère même de Dieu, révélé dans le Christ comme unité
substantielle dans la communion de trois personnes divines. A la lumière de ce
mystère, on comprend bien l'affirmation de Gaudium et spes selon laquelle
la personne humaine "seule créature sur terre que Dieu a voulue pour elle-même,
ne peut pleinement se trouver que par le don désintéressé d'elle-même" (GS, n.
24). La diversité entre l'homme et la femme rappelle l'exigence de la communion
interpersonnelle, et la méditation sur la dignité et la vocation de la femme
corrobore la conception de la communion de l'être humain (cf. Mulieris
dignitatem, n. 7).
3. C'est précisément cette attitude de communion, que la féminité évoque avec
force, qui permet de repenser la paternité de Dieu, en évitant des projections
figuratives de type patriarcal tellement contestées, non sans raison, dans
certains courants de la littérature contemporaine. Il s'agit, en effet, de
saisir le visage du Père à l'intérieur du mystère de Dieu en tant que Trinité,
c'est-à-dire unité parfaite dans la distinction. La figure du Père doit être
reméditée en ce qui concerne son lien avec le Fils, qui est tourné vers lui
depuis l'éternité (cf. Jn 1, 1) dans la communion de l'Esprit Saint. Il
faut également souligner que le Fils de Dieu s'est fait homme dans la plénitude
des temps et qu'il est né de la Vierge Marie (cf. Ga 4, 4), ce qui jette
également une lumière sur la féminité, en montrant en Marie le modèle de femme
voulu par Dieu. En Elle, et à travers Elle, a eu lieu ce qu'il y a de plus grand
dans l'histoire des hommes. La paternité de Dieu-Père se trouve non seulement en
relation avec Dieu-Fils dans le mystère éternel, mais également avec son
Incarnation qui a eu lieu dans le sein d'une femme. Si Dieu-Père, qui "engendre"
le Fils depuis l'éternité, a valorisé une femme, Marie, pour "l'engendrer" dans
le monde, la faisant ainsi devenir "Theotokos", Mère de Dieu, cela n'est pas
sans signification pour comprendre la dignité de la femme dans le projet divin.
4. C'est pourquoi, l'annonce évangélique de la paternité de Dieu, loin de
constituer une limitation à l'égard de la dignité et du rôle de la femme, se
présente au contraire comme une garantie de ce que la "féminité symbolise
humainement, c'est-à-dire accueillir, prendre soin de l'homme, engendrer la vie.
Tout cela est en effet enraciné de façon transcendante dans le mystère de
"l'engendrement" divin éternel. La paternité en Dieu est certes entièrement
spirituelle. Toutefois, elle exprime cette réciprocité éternelle et cette
relation proprement trinitaire qui se trouve à l'origine de toute paternité et
fonde la commune richesse de l'homme et de la femme.
La réflexion sur le rôle et la mission de la femme se situe donc à juste titre
dans cette année consacrée au Père, en nous incitant à un engagement encore plus
incisif, pour que soit reconnu à la femme toute la place qui lui revient dans l'Eglise
et dans la société.
* * *
Parmi les pèlerins de langue française qui assistaient à l'Audience générale du
24 novembre 1999, se trouvaient les groupes suivants, auxquels le Saint-Père
s'est adressé en français:
De France: Groupe de jeunes de Melun.
De Belgique: Groupe du Mouvement mondial
des Travailleurs chrétiens.
Chers frères et soeurs,
Le grand Jubilé est une occasion pour affronter les défis de notre époque,
notamment celui qui est lié au respect des droits de la femme. Le Livre de la
Genèse affirme que Dieu créa l'homme à son image, qu'il les créa homme et femme,
manifestant ainsi qu'ils sont véritablement à l'image de Dieu dans leurs
relations réciproques.
Comme on note aujourd'hui encore de nombreuses violations de la dignité de la
femme, qui offensent sa liberté et sa féminité, il importe donc de proposer
l'anthropologie biblique de la relation. Celle-ci doit aider à reconnaître de
manière authentique l'identité de la personne dans son rapport avec les autres,
en particulier entre homme et femme, relation qui renvoie au mystère même de
Dieu, révélé par le Christ comme unité dans la communion trinitaire.
La paternité de Dieu, qui exprime la réciprocité trinitaire, est à l'origine de
toute paternité et de toute maternité; elle fonde la richesse commune des
caractères masculin et féminin. La réflexion sur le rôle et la mission de la
femme est importante au cours de l'année consacrée au Père, invitant nos
contemporains à un engagement encore plus fort pour que l'espace qui lui revient
soit toujours plus reconnu à la femme, dans l'Eglise et dans la société.
J'accueille avec plaisir les pèlerins francophones, en particulier le groupe du
Mouvement mondial des Travailleurs chrétiens et la délégation des jeunes de
Melun. J'accorde à tous de grand coeur la Bénédiction apostolique.