Définition de l’eugénisme
L’eugénisme peut être désigné comme l’ensemble des méthodes et pratiques visant à transformer le patrimoine génétique de l’espèce humaine, dans le but de le faire tendre vers un idéal déterminé. Il peut être le fruit d’une politique délibérément menée par un État. Il peut aussi être le résultat collectif d’une somme de décisions individuelles convergentes prises par les futurs parents, dans une société où primerait la recherche de l’ « enfant parfait », ou du moins indemne de nombreuses affections graves.
Le terme eugenics a été employé pour la première fois en 1883 par le scientifique britannique Francis Galton dont les travaux ont grandement participé à la constitution et à la diffusion de l'idéologie eugéniste. Mené par des scientifiques et des médecins, le mouvement de promotion de l'eugénisme qui se met en place au tournant du XXe siècle milite en faveur de politiques volontaristes d'éradication des caractères jugés handicapants ou de favorisation des caractères jugés bénéfiques. Son influence sur la législation s’est traduite principalement dans trois domaines : la mise en place de programmes de stérilisations contraintes, le durcissement de l’encadrement juridique du mariage et la restriction de l’immigration. L'histoire du XXe siècle a fourni des exemples de graves dérives morales associées aux politiques eugéniques.
Dans la période contemporaine, les progrès du génie génétique et le développement des techniques de procréation médicale assistée ont ouvert de nouvelles possibilités médicales (diagnostic prénatal, diagnostic préimplantatoire...) qui ont nourri les débats éthiques concernant la convergence des techniques bio-médicales et des pratiques sélectives.
L’eugénisme banalisé
Libération revient sur l'autorisation accordée - pour la première fois en Europe - par la Haute autorité britannique en fertilisation et embryologie humaines (HFEA) pour sélectionner un embryon non porteur de la maladie d'Alzheimer (cf. Synthèse de presse du 20/09/07).
Jusqu'il y a quelques temps, le recours au dépistage pré-implantatoire (DPI) était autorisé dans les seuls cas de maladie génétique d'une particulière gravité et incurable. Mais, depuis plusieurs mois, le recours au DPI s'étend, en Grande-Bretagne, à des maladies "dont la survenue n'est pas certaine".
Ainsi, en mai dernier, la clinique londonienne privée de Bridge Center a sélectionné des embryons non porteurs des gènes responsables du strabisme (cf. Synthèse de presse du 15/05/07). En juillet, l'hôpital public d'Eastman, a eu recours au DPI pour sélectionner des embryons qui ne présentent pas de prédisposition au cancer du sein (cf. Synthèse de presse du 25/07/07).
Avec cette autorisation, une nouvelle étape est franchie ! La maladie d'Alzheimer a en effet peu de chances de se développer avant 40 ans et, d'ici là, il est possible que des traitements soient trouvés. Il se peut par ailleurs que le gène ne soit pas transmis par les parents et que l'enfant n'ait aucune chance de développer la maladie pour lequel on l'élimine.
Selon Paul Serhal, directeur de l'unité de reproduction assistée d'Eastman, "d'autres autorisations sont sur le point d'être délivrées". Il se défend toutefois de banaliser le recours au DPI.
Mais, pour le strabisme, s'interroge Libération, "est-ce réellement une sélection sur critère médical ? (...) Le spectre de l'eugénisme, de la sélection de l'enfant parfait, est-il aux portes de ces cliniques ?". "Mais notre métier c'est de l'eugénisme !, répond Paul Serhal. Lorsqu'une femme avorte parce qu'elle apprend que son fœtus est atteint de trisomie 21, c'est aussi de l'eugénisme ! Personnellement, je préfère éliminer un amas de cellules qu'un fœtus de plusieurs semaines".
Jusqu'où aller dans l'autorisation des DPI et à qui revient la décision ? "Dès lors que nous avons un lien clair entre une mutation et une pathologie et que nous pouvons offrir un test de détection efficace, je ne vois pas pourquoi nous refuserions des demandes", répond Alan Thornhill du Bridge Center.
Pourtant, de l'hyperstimulation ovarienne à la naissance (laquelle aboutit dans 25% des cas) en passant par la fécondation in vitro, recourir au DPI n'est pas une démarche banale. De plus, elle coûte cher (jusqu'à 15 000 £ soit 21 600 €) et n'est pas totalement remboursée. "Oui, cela pose un problème évident en termes d'accessibilité. Mais la sécurité sociale réalise qu'avec le DPI elle économise sur les soins futurs et commence désormais à rembourser de plus en plus nos patients", commente Alan Thornhill.
A ce jour, les cliniques britanniques proposent de dépister une cinquantaine de maladies génétiques. Aux Etats-Unis, certains cliniques offriraient jusqu'à plusieurs centaines de tests concernant des prédispositions aux cancers, à l'obésité ou même à l'arthrose, "frôlant l'indication fantaisiste", sans compter celles qui proposent de sélectionner l'enfant selon son sexe.
En France, une trentaine de pathologies sont dépistées, notamment la mucoviscidose, la maladie de Huntington, l'hémophilie, de nombreuses altérations chromosomiques héréditaires et, plus récemment des cancers. A la question "jusqu'où peut on aller ?", Stéphane Viville, qui dirige l'un des trois centres français habilités à pratiquer le DPI, répond : "on devient limite lorsque le handicap de la famille est d'abord un handicap social et non physique ou mental. Le DPI n'est pas là pour régler un problème de société mais pour éviter un handicap sévère de qualité de vie".
[NDLR : Le DPI sélectionne les embryons "sains" pour les réimplanter dans l'utérus maternel. Aucun embryon n'est guéri par le DPI. Ceux qui sont malades sont détruits ou utilisés pour la recherche.]
Chaque article présenté dans Gènéthique est une synthèse des articles de bioéthique parus dans la presse et dont les sources sont indiquées dans l'encadré noir. Les opinions exprimées ne sont pas toujours cautionnées par la rédaction.