Une éternité de chair et de sang »

 

« Comme Jésus a pris, a été forcé de pren­dre corps, de revêtir la chair

Pour prononcer ces paroles (chamelles) et pour les faire entendre

Pour pouvoir les prononcer,

Ainsi nous, parallèlement nous, à l'imitation de Jésus,

Ainsi nous. qui sommes chair, nous devons en profiter,

Profiter de ce que nous sommes charnels pour les conserver, pour les réchauffer, pour les nourrir en nous vivantes et chamelles,

(Voilà ce que les anges mêmes ne connaissent pas, […] voilà ce qu'ils n'ont point éprouvé.)

Comme une mère chamelle nourrit, et fomente sur son cœur son dernier né,

Son nourrisson charnel, sur son sein,

Bien posé dans le pli de son bras,

Ainsi, profitant de ce que nous sommes charnels,

Nous devons nourrir, nous avons à nourrir dans notre cœur

De notre chair et de notre sang,

De notre cœur,

Les Paroles char­nelles,

Les Paroles éternelles, temporellement, charnellement prononcées.

Miracle. Des mi­racles, mon enfant, mystère des mystères !

Parce que Jésus-Christ est devenu notre frère charnel.

Parce qu'il a prononcé temporellement et charnellement les paroles éternelles. [...]

 

Mystère des mystères, ce privilège nous a été donné,

Ce privilège incroyable, exorbitant,

De conserver vivantes les paroles de vie,

De nourrir notre sang, de notre chair, de notre cœur

Des paroles qui sans nous retomberaient déchar­nées,

D'assurer, (c'est incroyable), d'assurer aux paroles éternelles

En outre comme une deuxième éternité,

Une éternité temporelle et chamelle, une éternité de chair et de sang,

Une nourriture, une éternité de corps,

Une éternité terrienne.

 

 

 

Auteur : Charles Péguy dans le Porche de la deuxième vertu

Copyright : Association Apostolat Sainte Thérèse.