L'ELEVATION DE L'HOSTIE

 

 

Au moment de la consécration, un certain nombre de prêtres - parmi lesquels des évêques qui semblent ignorer les règles liturgiques- élèvent l'hostie en ne la tenant que qu'une main, façon de faire qui ressemble à de la nonchalance ou qui traduit un goût prononcé pour l'absence de dignité.

 

D'où la question: au moment de l'élévation, l'hostie doit-elle être tenue des deux mains ou peut-elle n'être tenue que d'une seule main? La Présentation générale du Missel romain ne dit rien à ce sujet. Est-ce à dire que chaque célébrant est libre de faire comme il veut ?

 

Pour répondre à cette question, il faut bien voir que la liturgie est par excellence le domaine de la tradition (les mots "tradition" et "traditionnel" apparaissent près de 25 fois dans la Constitution Sacrosanctum Concilium et plus de 30 fois dans la Présentation Générale du Missel Romain). On comprend donc aisément qu'il puisse y avoir des gestes qui font partie des célébrations liturgiques de manière "traditionnelle" et qui, précisément pour cette raison, ne sont pas détaillés dans les livres officiels donnés par l'Eglise. Rien de plus normal après tout: le christianisme n'étant pas une "religion du livre" à proprement parler, il n'y a aucune raison que les chrétiens pratiquent une "liturgie du livre".

 

Mais les raisons de l'absence de précision de certains gestes sont expliquées dans la Présentation Générale du Missel Romain. Au n°42, on lit: "Les gestes et les attitudes du corps, tant ceux du prêtre, du diacre ou des ministres, que ceux du peuple doivent viser à ce que toute la célébration manifeste une belle et noble simplicité, que soit perçue toute la vraie signification de ses diverses parties et que soit favorisée la participation de tous." On voit ici que si l'Eglise se refuse à codifier strictement les "gestes" et les "attitudes" c'est parce qu'elle compte sur le bon goût et le bon sens qu'on est en droit d'attendre de la part des fidèles, et plus spécialement encore des célébrants.

 

Cependant, dans le paragraphe qui suit immédiatement ces lignes, le Missel romain poursuit: "On devra donc être attentif aux normes de cette Présentation générale et à la pratique reçue du rite romain ainsi qu'au bien commun spirituel du peuple de Dieu, plutôt qu'à ses goûts personnels et à son propre jugement."

 

Autrement dit, c'est parce qu'il faut s'appliquer à cultiver le "bon goût" et le "bon sens" qu'il faut être "attentif aux normes" données par le Missel romain... et aussi - surtout! - à la "pratique reçue" du rite romain. Les "normes" et la "pratique reçue", poursuit le texte de la Présentation Générale du Missel Romain, favorisent des attitudes communes qui "sont un signe de l'unité des membres de la communauté chrétienne rassemblée dans la sainte Liturgie [et qui] expriment et développent l'esprit et la sensibilité des participants."
Est aussi énoncé le principe liturgique selon lequel ces "normes" et la "pratique reçue" peuvent être "adaptées" lorsque, par la force des choses, il devient impossible de les respecter telles quelles. On se souvient par exemple que le pape Jean-Paul II, très malade, ne pouvait élever l'hostie que d'une main. Mais en liturgie, "adapter", rappelons-le, n'est ni oublier, ni démolir, ni abroger, ni prendre des libertés, mais "mettre en accord", "s'efforcer de parvenir à..."

 

Il est donc évident que pour réaliser la liturgie dans un respect réfléchi de ce que l'Eglise demande de faire, il est nécessaire d'assujettir les célébrations à un contexte de continuité et non de rupture, ce qu'entend d'ailleurs favoriser le Motu proprio Summorum pontificum du pape Benoît XVI. Le Missel romain actuel (dit "de Paul VI"), pas davantage que le Missel romain ancien (dit de S. Pie V"), ne peut être considéré comme une création de zéro, même si ces deux missels portent chacun une date indiquant à partir de quand ils entrent en service. Les deux ouvrages sont à ancrer dans le développement harmonieux de la liturgie, développement qui exprime la continuité à travers les siècles du rite romain, comme expression de la foi de l'Eglise et comme outil de transmission de cette même foi. Nous sommes donc bien là, tout spécialement depuis le concile Vatican II, dans une nouvelle approche de la liturgie et, plus encore, dans une nouvelle "conscience liturgique" qui induit et impose une redécouverte du rapport que les fidèles - et particulièrement les prêtres - doivent entretenir avec les rites reçus de l'Eglise. Ce rapport doit nécessairement conduire à l' "art de célébrer" dont parle l'Exhortation post-synodale Sacramentum Caritatis du 22 février 2007: "L'ars celebrandi doit favoriser le sens du sacré et l'utilisation des formes extérieures qui éduquent à un tel sens, comme par exemple l'harmonie du rite, des vêtements liturgiques, de l'ameublement et du lieu sacré. (...) La simplicité des gestes et la sobriété des signes, effectués dans l'ordre et dans les moments prévus, communiquent et impliquent plus que le caractère artificiel d'ajouts inopportuns. L'attention et l'obéissance à la structure propre du rite, tout en exprimant la reconnaissance du caractère de don de l'Eucharistie, manifestent la volonté du ministre d'accueillir, avec une docile gratitude, ce don ineffable."

 

Il est donc évident que le geste d'élévation, au moment de la consécration, est à situer dans la tradition liturgique, laquelle impose, pour éviter toute nonchalance ou désinvolture, que l'hostie et ensuite le calice soient tenus dignement, avec les deux mains. Il n'est pas utile que le Missel romain donne davantage de précisions au sujet de ce rite.