Benoît XVI et le destin des enfants morts sans le baptême
Les "limbes" - du latin limbus : bord, bordure - était un lieu aux marges du paradis, patrie de ceux qui mouraient sans baptême. L’idée prend forme au XIIIè siècle et le mot qui la résume connaît une grande fortune au cours des siècles, sans jamais devenir doctrine contraignante.
« Il ne s’agit pas simplement - a dit le pape Benoît XVI - d’un problème théologique isolé. Tant d’autres thèmes fondamentaux s’imbriquent intimement avec celui-ci : la volonté salvifique universelle de Dieu, la médiation unique et universelle de Jésus-Christ, le rôle de l’Eglise sacrement universel de salut, la théologie des sacrements, le sens de la doctrine sur le péché originel ».
Les théologiens, selon le Pape, devront étudier le « nexus » (le noeud) entre tous ces mystères, en vue d’offrir une synthèse théologique qui puisse servir d’aide pour une pratique pastorale plus cohérente et éclairée.
La pratique, aujourd’hui, est en effet incertaine : il peut arriver qu’une grand-mère insiste pour que l’enfant soit baptisé à peine né, parce que jadis (de son temps) les prêtres disaient qu’on devait le faire, tandis que le jeune prêtre préfère laisse passer quelques mois, de sorte que les parents se préparent avec calme au grand rendez-vous.
Mais si entre-temps l’enfant meurt ? La réponse du Catéchisme de l’Eglise catholique est rassurante : « Quant aux enfants morts sans baptême l’Eglise ne peut que les confier à la miséricorde de Dieu, comme elle le fait pour eux dans le rite des funérailles. En effet, la grande miséricorde de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés, et la tendresse de Jésus envers les enfants, qui lui a fait dire : "Laissez les enfants venir à moi", nous permettent d’espérer qu’il y a une voie de salut pour les enfants morts sans baptême » (n. 1261).
L'Evangile de ce Dimanche 8 octobre est également très réconfortant et nous montre l'attitude pleine de tendresse du Christ, il n'y en a pas d'autre :
On présentait à Jésus des
enfants pour les lui faire toucher ; mais les disciples les écartèrent vivement.
Voyant cela, Jésus se fâcha et leur dit : « Laissez les enfants venir à moi. Ne
les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent.
Amen, je vous le dis : celui qui n'accueille pas le royaume de Dieu à la manière d'un enfant n'y entrera pas. »
Il les embrassait et les bénissait en leur imposant les mains. Evangile de Jésus-Christ selon saint Marc 10,10-14.
L’Église ne peut que les confier à la miséricorde de Dieu, comme elle le fait dans le rite des funérailles pour eux. En effet, la grande miséricorde de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés (cf. 1 Timothée 2, 4), et la tendresse de Jésus envers les enfants, qui lui a fait dire: "Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas" (Marc 10, 14), nous permettent d’espérer qu’il y ait un chemin de salut pour les enfants morts sans baptême. D’autant plus pressant est aussi l’appel de l’Église à ne pas empêcher les petits enfants de venir au Christ par le don du saint Baptême. » (eschatologie.free.fr)
L’origine de la théorie des Limbes éternelles.
Tout part d’une recherche de saint Augustin et d’une réflexion théologique. Il connaît parfaitement à son époque cette vérité de foi : « Tout homme qui meurt sans la grâce est, aussitôt après sa mort, conduit dans l’enfer éternel. »
Il sait fort bien que les enfants non baptisés ne sont pas privés de la grâce à cause d’une faute venant d’eux mais parce que leur lointain ancêtres, Adam et Eve, en toute lucidité, choisirent en leur nom de séparer l’humanité de ce chemin de Dieu.
Saint Augustin prolongea donc sa réflexion et, fidèle au dogme, conclut donc : « Les enfants n’ayant pas de faute personnelle, ils sont certainement séparés de Dieu (peine du DAM), mais sans aucune souffrance (peine du SENS). Ils vivent donc dans un bonheur naturel, sans regret de ne pas voir Dieu puisque, de toute façon, cela dépasse les possibilités de leur nature humaine. »
Cette opinion théologique fit souche en Occident. Au Moyen-âge, près de 1000 années plus tard, saint Thomas reprend à son actif cette opinion théologique et elle sera enseignée dans les écoles théologiques jusqu’à ce que, en 1895, une jeune fille, devenue depuis Docteur de l’Eglise, ne lui donne un coup mortel : « Un petit enfant, cela ne se damne pas. » (Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, en 1995).
Le magistère de l’Eglise
L’Eglise n’a jamais fait sienne dans son dogme cette hypothèse. Par contre, elle parle plusieurs fois explicitement des limbes des enfants, sans en préciser la durée. Dans Certains conciles œcuméniques, la doctrine sur la destinée des enfants morts sans baptême a été reprise. On peut citer la profession de foi de Michel Paléologue, au Concile de Lyon, en 1274. Il est confessé que "Les âmes de ceux qui meurent avec le seul péché originel, descendent aussitôt en enfer, mais cependant pour y être punies par des peines diverses". Cette même formulation est répétée au Concile de Florence . Le pape Pie VI affirme que ces enfants sont privés de la vision de Dieu (peine du dam) sans pourtant être soumis à la souffrance (peine du feu).*
Le refus définitif de l’ETERNITE des limbes dans le Magistère
Jusqu’à récemment, l’Eglise ne s’est pas prononcée directement sur ce sujet et c’est justement l’objet de la Commission Thélogique Internationale que de donner à l’Eglise une matière à se prononcer. Mais l’éternité des Limbes des enfants est depuis longtemps une hypothèse intenable. En effet, saint Augustin n’a tout simplement pas considéré une autre vérité de la foi qui est, depuis, devenu une vérité solennelle : « Dieu propose A TOUT HOMME son salut », autrement dit aux enfants aussi. Et il ne saurait être question qu’il abandonne personne dans la séparation d’avec lui, sauf si cet homme l’a voulu de son propre chef par un péché libre et volontaire (le blasphème contre l’Esprit).
Dès le Concile de Trente, l’universalité de la proposition du salut est enseignée : "Si quelqu’un dit que la grâce de la justification n’est accordée qu’aux prédestinés à la vie et que tous les autres appelés, tout en étant appelés, ne reçoivent pas cette grâce, parce que prédestinés au mal par la puissance divine, qu’il soit anathème" .
Et le Concile Vatican II le rappelle avec force : « Puisque le Christ est mort pour tous et que la vocation dernière de l'homme est réellement unique, à savoir divine, nous devons tenir que l'Esprit Saint offre à tous, d'une façon que Dieu seul connaît, la possibilité d'être associé au mystère pascal. »
La commission théologique Internationale
Elle devrait se prononcer sur l’impossibilité de l’éternité des Limbes et réaffirmer avec sainte Thérèse de Lisieux et le vénérable Marcel Van, l'apôtre des enfants, que les enfants non baptisés sont sauvés. Mais elle ne devrait pas se prononcer sur « La manière dont Dieu les conduit au salut »
Les théologiens catholiques
Il restera donc aux théologiens catholiques à chercher, en tenant compte de TOUTE LA FOI DE L’EGLISE qui peut se résumer en ces deux propositions :
1° La grâce du baptême leur est conférée d’une manière que Dieu connaît, AVANT leur entrée dans l’autre monde (Benoît XII, constitution Benedictus Deus)
2° Ils entrent au Ciel par un acte de CHARITE (Concile de Trente, session 6), donc dans un amour conscient et volontaire de Dieu, comme il convient à une personne.
L’hypothèse la plus simple, celle qui fait en ce moment le plus l’unanimité, est soutenue dans ce site de recherche théologique http://visitationpourlavie.free.fr
et présentée pour tous sous forme de deux contes http://visitationpourlavie.free.fr/fichiers/conteslapetiteSophie.htm
Ces enfants, ceux qui sont avortés par millions de nos jours par exemples, sont très certainement accueillis par les habitants du Ciel à l’heure de leur mort, c’est-à-dire dans le passage de la mort qui précède l’entrée dans l’autre monde. Ils sont adoptés par de nouveaux parents spirituels qui demandent (baptême du désir) aussitôt et obtienne pour eux le baptême et sa grâce.
Mais les petits ne sont pas prêts encore à entrer dans la vision béatifique. Ils restent donc, le temps qu’il faut, dans un temps d’éducation naturelle et de préparation de leur intelligence et volonté à la rencontre du Christ qui paraîtra bientôt pour eux dans sa gloire. C’est ce que l’on peut appeler un temps de Limbes provisoires.
Enfin, lorsqu’ils sont suffisamment préparés, le Christ paraît, mais aussi Lucifer qui reçoit le droit de leur présenter son projet, ce monde sans amour fait de liberté et d’autonomie égoïste. Les enfants ne suivent pas Lucifer, n’ayant pas de propension, dans leur petitesse, à l’orgueil vertigineux de l’ange révolté : « Un petit enfant, ça ne se damne pas. » (Arnaud Dumouch)
Commentaire de St Augustin :
Dans un passage du De Trinitate (St Augustin), nous pouvons lire dans le dernier passage, certains éléments de manière, disons, plus émouvante. Louez, enfants, le Seigneur».
« Frères, vous le savez et vous avez plusieurs fois entendu dans l’Évangile le Seigneur dire: “Laissez venir à moi les petits enfants car le royaume des cieux leur appartient”; et encore: “Si l’on ne reçoit pas le royaume de Dieu comme un enfant, on n’y entrera pas”. C’est pourquoi, mes très chers frères, quand vous entendez chanter dans les psaumes: “Louez, enfants, le Seigneur”, ne pensez pas [Augustin parlait ici surtout à des personnes adultes] que cette exhortation ne vous concerne pas vu que vous êtes sortis de l’enfance du corps et que vous vous trouvez dans la fleur de la jeunesse ou dans l’âge vénérable de la vieillesse; en effet, l’Apôtre vous dit à tous: “Vous ne devez pas devenir des enfants dans votre esprit, mais soyez petits quant au mal, pour être parfaits dans l’esprit”. Mais y a-t-il un mal plus grand que la superbe? [Ici, c’est très beau] En effet, la superbe, présumant une grandeur vide, ne permet pas que l’homme avance sur la voie droite et entre par la porte étroite». La voie étroite dont parle Jésus (Mt 7, 13-14) n’est pas difficile parce qu’elle est étroite, comme nous avons tendance à le penser sans nous en apercevoir. Elle est étroite parce qu’elle est petite, et ainsi seuls les enfants peuvent y marcher. C’est là quelque chose de merveilleux. Et ainsi la porte étroite n’est pas étroite parce qu’elle est difficile mais elle est étroite parce qu’elle est petite. Et quand un homme est superbe, il se grandit, et ainsi il ne peut passer par la petite porte.
La superbe rend grand et ne permet donc pas de marcher sur la route étroite et ne laisse pas entrer par la porte étroite, « l’enfant, au contraire, entre facilement par des passages étroits et, pour cette raison, personne, s’il n’est enfant [s’il n’est petit] n’entre dans le royaume des cieux». La porte du royaume des cieux et la route du royaume des cieux sont étroites. Il faut donc être des enfants, des petits, pour y entrer. Si l’on est enfant, petit, on entre partout. Ce puer facile intrat est quelque chose d’extraordinaire. La route étroite et la porte étroite sont faciles si l’on est enfant. Les enfants passent partout. Cette lecture d’Augustin est merveilleuse.
La Commission théologique internationale soutient que l'idée des limbes "peut être abandonnée". Dans un sens analogue s'était exprimé il y a plus de 20 ans le pape Benoît XVI, alors card. Ratzinger