Le Beau est alors la manifestation sensible de l'Idée: si l'art est l'esprit se prenant pour objet, Hegel voit dans le Beau artistique une expression sensible de l'Idée. Le Beau se définit comme la manifestation sensible et empirique de l'Idée, élément le plus élevé de la pensée et de l'Etre. Le beau = l'unité de la forme sensible et de l'Idée universelle.
Le Beau et le Vrai
C'est donc la représentation sensible de l'Idée qui appartient au Beau
artistique. Il y a par conséquent une différence essentielle entre le beau et le
vrai: le vrai, c'est l'Idée considérée en elle-même, indépendamment de toute
forme sensible; c'est l'idée en tant que telle qui donne sens au savoir et
permet de le totaliser. Au contraire, dans la beauté artistique, l'Idée est
engagée dans une représentation sensible: dans un tableau ce qui compte ce n'est
pas seulement l'Idée qui s'y manifeste, mais la couleur, la matière, les données
d'ordre sensible et concret
=> on voit ainsi toute la différence entre le vrai et le beau: le 1er est
purement intellectuel, le 2nd est tout empreint de sensible et de concret.
Le problème de l'inspiration
Cf Platon qui pensait (en contradiction d'ailleurs avec sa conception de l'art
exposée ci-avant) que créer, c'était être inspiré par les Dieux ou les Muses: le
poète crée grâce à un don divin, un délire, un enthousiasme; l'artiste détient
un mystérieux privilège: la suggestion divine le pousse à composer, à peindre,
lui qui ne connaît rien à tout ce qu'il fait.
Critique de cette thèse: celle-ci représente plutôt une coquetterie de l'artiste qu'une expérience réelle; c'est en effet plutôt après de laborieux efforts dans la douleur que l'artiste crée.
Ce que veut exprimer Nietzsche: la croyance au «miracle» poétique prend naissance dans le goût de l'homme pour ce qui est fini et parfait.
La création artistique représente un labeur, non pas le fruit de l'inspiration divine et du pur enthousiasme.
La contemplation esthétique et le jugement de
goût
Cf Kant -«Critique du jugement»
Kant compare d'abord l'agréable, qui nous procure un plaisir sensible, et le beau où ne se produit aucune satisfaction correspondant au désir sensible. Le beau proprement dit nous entraîne bien loin du désir; il est lié à une satisfaction désintéressée -je ne désire pas ce qui est beau
-1ère formulation du jugement de goût: «Le goût est la faculté de juger un objet ou un mode de représentation par la satisfaction ou le déplaisir d'une façon toute désintéressée. On appelle le beau l'objet de cette satisfaction».
Puis Kant analyse l'universalité esthétique, qui est une universalité sans concept; quand je juge un objet beau, j'attribue à chacun le sentiment que j'éprouve devant l'objet. Cette universalité est de droit et non de fait.
-2ème caractère du jugement de beauté: «Est beau ce qui plaît universellement sans concept»
Kant sépare donc ici le Beau du Concept, alors qu'Hegel lui considère le Beau comme une expression sensible de l'Idée.
Enfin, dans le jugement de goût, se produit une convenance de l'objet à notre imagination et notre entendement: l'objet est harmonieux.
Il y a bien une finalité (car toutes les parties d'un objet d'art concourent à réaliser un ensemble harmonieux) mais cette finalité est sans fin, car le beau est à lui-même sa fin
-3ème caractère: «La beauté est la forme de la finalité d'un objet en tant qu'elle y est perçue sans la représentation d'une fin».
Enfin la nécessité du jugement de goût découle de son universalité. Cette nécessité est subjective.
-4è formulation: «Est beau ce qui est reconnu sans concept comme l'objet d'une satisfaction nécessaire».
=> Kant et Hegel se sont attachés à démontrer l'aspect désintéressé de l'expérience esthétique: elle nous délivre du monde et nous libère. L'oeuvre d'art ne vise à satisfaire que des intérêts spirituels. Elle doit exclure tout désir, toute norme d'utilité et tout intérêt pratique et moral.
L'artisan et l'artiste utilisent tous deux une matière
première et des outils. L'artisan produit quelque chose d'utile, il vise
l'utile.
À l'inverse, l'artiste ne vise pas l'utile mais le beau.
Or, l'artisan peut faire quelque chose de beau (par exemple l'architecte,
l'ébéniste; etc.) et d'utile.
L'artiste, quant à lui, vise-t-il toujours le beau ? Pour certains artistes, l'art n'a rien à voir avec l'esthétique. Les artistes veulent changer les hommes, les transformer, en les choquant par exemple. Généralement, le « grand » public ne souhaite pas être bouleversé.
Art, technique
L'œuvre d'art suppose une création originale, elle est quelque chose qui n'existe pas encore ; on ne peut donc apprendre à faire de l'art. Ainsi, le solfège n'est pas de la musique. L'art ne consiste pas à imiter mais de créer : on ne peut apprendre à créer. Aussi l'œuvre d'art n'existe qu'au moment où elle est produite. Cela dit, beaucoup d'artistes ont d'abord été imitateurs : après la maturité, ils deviennent artistes.
Art et nature
Présupposé : la peinture est peindre ce que l'on voit. Or, si l'on place deux peintres devant le même paysage, on obtiendra deux peintures différentes. En réalité, l'artiste ne peint donc pas ce qu'il voit, mais son travail est une représentation (sensibilité). L'art n'imite donc pas la nature ; si c'est le cas, il ne s'agit pas d'une œuvre d'art. Ce n'est pas la vue qui guide l'artiste mais sa vision : le peintre reconstruit la nature. L'artiste est toujours pris dans l'esthétique d'une époque : la sensibilité personnelle de l'artiste est certes existante, mais celle-ci est toujours encadrée.
L'idéal de la beauté : ce n'est pas la nature telle qu'elle est, mais telle que l'artiste se la représente. Le peintre ne peint pas ce qu'il voit : il peint un idéal. La beauté universelle n'existe pas.
La peinture de la Renaissance représente-t-elle la nature ? La peinture de la Renaissance a deux sources principales d'inspiration : la Bible et la mythologie gréco-romaine. Ce n'est donc pas la nature qui est représentée.
Le cas de la
peinture surréaliste
: les peintres surréalistes n'imitent pas la nature, mais la nature inconsciente
: les rêves, les fantasmes de l'artiste. Les surréalistes visent à perturber nos
habitudes. L'œuvre d'art doit dégager de la révolte. Cf.
Dalí
,
Ernst
,
de Chirico
,
Magritte
.
Cézanne et le
Cubisme
: Cézanne ne reproduit pas la nature mais il la reconstruit.
L'art abstrait (art non figuratif) : avec l'art abstrait, on fait abstraction de la nature visible pour exprimer quelque chose que l'œil ne voit pas immédiatement. Il y a de l'invisible dans la nature (par exemple peindre le vent, la chaleur, etc.).
Le théâtre : l'art imite les passions humaines (Aristote,
Poétique). Le théâtre imite l'homme (mimésis) ; le but n'est pas
la beauté, mais la purgation des passions (catharsis).
Le théâtre de
Bertolt
Brecht
ne s'adresse pas aux passions mais à la raison. S'il imite la nature, le théâtre
rate sa fonction.
La musique, quant à elle, est l'art le plus éloigné de la nature. Elle ne peut imiter la nature : les évocations restent lointaines.
Ce que l'homme exprime à travers l'art n'est pas la nature, mais son esprit. Ce dernier n'est pas conceptuel : il est sensible. La nature n'est qu'un motif sur lequel l'artiste projette ses idéaux, ses théories, ses règles.
Don, talent et génie
Certains ont du talent, d'autres non. L'art est-il affaire
de talent ? Parfois, on entend que c'est inné (par exemple
Mozart
; en fait, son père (Léopold Mozart) l'a éduqué d'une manière assez sévère [
lire
cet article
]
si bien que l'on peut penser qu'il s'agit plus d'une technique musicale acquise
qu'un génie inné).
Platon,
Ion
: L'art du poète est un don (des dieux) et non pas un don naturel. Les muses
inspirent l'artiste mais ce dernier n'a aucun don.
Le génie est-il le priviliège d'une situation ou d'un état d'exception ? Le célibat, la vie de bohème, les drogues, la maladie physique ou mentale (Cf. Chopin, Nerval, Van Gogh) —› artistes marginaux.
Pour Kant, le génie est celui qui donne ses propres règles à l'art : le génie est dans la capacité d'invention de nouvelles règles.
Le jugement esthétique
Toutes les œuvres d'art sont jugées : il y a le jugement de goût et le jugement de connaissance.
Le jugement de goût : « C'est beau ! », « C'est laid ! », « Ça me plaît. », etc. Ce jugement n'exprime rien sur l'œuvre d'art mais exprime l'état de celui qui reçoit l'œuvre d'art (subjectivité). Le goût est-il réellement personnel ? Quand on dit « C'est beau ! », c'est pour faire partager son goût (le goût est communicable ; Cf. la mode). Les hommes discutent de leurs goûts, il n'existe pas de goût réellement personnel.
Le jugement de connaissance : c'est le jugement légitime,
celui qui est objectif (par l'analyse). Par exemple, pour la
musique
: l'étude des thèmes, de la tonalité, de la construction harmonique, des
mouvements, du contexte historique permet de juger objectivement l'œuvre d'art
(malgré l'objection courante qui consiste à dire qu'analyser une œuvre, c'est
détruire le plaisir). Bien souvent, l'intérêt pour une œuvre naît avec
l'analyse. Cependant, l'art vise à communiquer en s'adressant à notre
sensibilité (même si l'on y connaît rien en art).
Existe-t-il un art sacré ? il semble évident que oui : on entend parler, par
exemple, de festivals d'art sacré.
Existe-t-il un art chrétien ? il semble évident que oui : Bach, Fra Angelico,
Rouault, la Sixtine, Notre-Dame de Chartres etc.
A y regarder de plus près, on rencontre quelques surprises car le christianisme
se démarque sensiblement d'autres religions.
Quelle est la finalité de la vie humaine pour les chrétiens ?
Elle est très bien symbolisée par la grande vision poétique de la Jérusalem
nouvelle qui descend du ciel, vers la fin du livre de l'Apocalypse :
"Je vis un ciel nouveau et une terre
nouvelle.
Et la ville sainte, je la vis descendre du
ciel, d'auprès de Dieu, prête comme une épouse qui s'est parée pour son époux.
Et j'entendis une voix forte qui disait :
"Voici la demeure de Dieu avec les hommes.
Il demeurera avec eux. Ils seront ses
peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux.
Il essuiera toute larme de leurs yeux. La
mort ne sera plus. Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance…
Voici, je fais toutes choses nouvelles..."
(Ap.21/1-5, et suite)
Le pape Benoît XVI et l’art sacré
Benoît XVI a dit en février 2007 que l'art sacré est une catéchèse toujours valable, mettant en avant la valeur du patrimoine artistique qui est depuis des siècles une source d'inspiration pour l'Eglise. L’art sacré comme moyen de communication de la foi. « L’Italie est particulièrement riche en art, et l’art est un trésor de catéchèse inépuisable, incroyable. Pour nous c’est aussi un devoir de le connaître et de bien le comprendre. Non comme le font quelquefois les historiens de l’art, qui l’interprètent seulement formellement, selon la technique artistique. Nous devons plutôt entrer dans son contenu et faire revivre le contenu qui a inspiré ce grand art. Cela me semble réellement un devoir - aussi dans la formation des futurs prêtres - de connaître ces trésors et d’être capables de transformer en catéchèse vivante ce qui est présent en eux et nous parle aujourd’hui à nous. Ainsi l’Eglise pourra apparaître non pas comme un organisme d’oppression ou de pouvoir - comme quelques-uns veulent le montrer - mais comme une forme de fécondité spirituelle unique dans l’histoire, ou du moins, oserai-je dire, telle qu’on ne pourrait la rencontrer en dehors de l’Eglise catholique. C’un signe de la vitalité de l’Eglise qui, avec toutes ses faiblesses et aussi ses péchés, est toujours restée une grande réalité spirituelle, une inspiratrice qui nous a donné toute cette richesse ».
Sainte Cécile, vierge et martyre
Selon le récit de sa passion (5ème siècle), Cécile fut contrainte d’épouser le
jeune Seigneur Valérien. Mais au soir de ses noces, elle lui révéla son vœu de
virginité par amour du Seigneur. Sa foi et son éloquence convertirent Valérien
et son frère Tiburce.
Dénoncés eu préfet Turcius Almachius, les deux frères furent décapités. Cécile
les ensevelit, avant d’être à son tour arrêtée. Jusqu’au bout elle proclama sa
foi et suscita de nouvelles conversions. Sainte Cécile fut condamnée à mort par
décapitation.
Sainte Cécile, patronne des musiciens
La louange du Seigneur habitait le cœur de Cécile. Selon le récit de sa passion,
elle chantait pour Dieu dans son cœur tandis que retentissaient les instruments
de musique pour ses noces.
Au Moyen-âge, on attribuait à Sainte Cécile, la composition de plusieurs hymnes.
Aussi tout naturellement, chanteurs et musiciens se placèrent sous son patronage
au 15ème siècle.
L’art
Les musiciens que vous avez entendus au cours de la messe sont des artistes. Un artiste est celui qui fait de l’Art.
Qu’est-ce que l’art ? L’art c’est faire quelque chose, c’est travailler. Quelqu’un qui écrit quelque chose sur une feuille de papier travail et fait de l’art. Il utilise une matière et la transforme. Mais il ne fait pas forcément une œuvre d’art.
Nous allons réfléchir sur ce en quoi consiste l’activité artiste. Il s’agit de la coopération de l’homme avec l’univers matériel. L’activité artistique est la première activité humaine. Pour l’enfant qui imite c’est sa première activité humaine. Or l’imitation est bien un type d’activité artistique.
Nous allons faire ce qui n’est pas habituel puisqu’on le fait rarement : réfléchir sur l’activité artistique, nous poser des questions sur cette activité pour découvrir ce qu’est l’œuvre et ce en quoi consiste l’art.
L’homme ne naît pas artiste mais le devient. L’art est le résultat, le fruit de son activité, de son travail.
De tout cela, on peut se poser la question suivante : l’art peut-il finaliser la vie de l’homme ?
L’art est toujours finalisé par l’œuvre et on peut distinguer les beaux arts, les arts artisanaux et les techniques.
L’art en lui-même est création, invention : j’appelle artiste celui qui crée des formes.
L’art qui, à ses origines était au service de l’humanité et spécialement de l’humanité religieuse est progressivement proclamé comme l’absolu, l’anti-destin, le véritable dieu des hommes.
L’art semble l’activité la plus spontanée, la plus intuitive, mais aussi ce qui exige le plus de travail.
L’homme apparaît de plus en plus comme celui qui cherche à dominer l’univers, à le transformer en exploitant toutes ses richesses.
L’activité artistique possède son autonomie et sa liberté propre.
L’activité du travail ne peut des séparer totalement des développements vitaux de l’intelligence.
L’activité artistique a trois moments :
Le premier moment de l’activité artistique est l’expérience ; le second moment est l’inspiration et le troisième moment est le choix.
I - l’expérience artistique :
L’expérience étudie la lumière, le son, les couleurs et l’harmonie des couleurs. Toute réalité sensible qui nous apparaît comme belle ou laide peut être atteinte par une authentique expérience artistique qui suscite en nous une profonde admiration, ou une émotion qui nous attire ou nous éloigne. C’est ainsi que les artistes ont des objets de prédilections qui les émeuvent avec intensité et ils sont extrêmement sensible pour tout ce qui forme leur monde tandis qu’il s peuvent être insensible à d’autres réalités.
Ce qui est atteint par l’expérience artistique est sensible, singulier, existant, en même temps que spirituel (au sens d’esprit), tout chargé de significations.
L’expérience artistique est le lieu privilégié de la rencontre de l’homme et de l’univers sensible.
Chaque artiste a sa manière propre de réagir à l’égard de son milieu, de l’univers physique, de l’univers des oeuvres d’art, il a sa manière d’expérimenter l’univers et de le faire sien. Le peintre en fait un univers de lumière et de couleurs, le musicien de sons et de rythmes. Les expériences de ces divers artistes ont toutes un aspect original. Les éléments affectifs, par exemple, plus explicites chez le poète et le musicien que chez l’architecte, et les sens externes sont utilisés de manières différentes. Mais il y a un point commun entre toutes ses expériences différentes et qui est un prolongement de cette expérience que nous appelons la contemplation. Cette contemplation donne son unité et son sens propre a cette expérience artistique.
Il est possible de distinguer diverses modalités de la contemplation artistique :
a) celle où la vision externe de l’œil domine, avec ou sans le toucher (contemplation de la nature, des oeuvres picturales, sculpturales et architecturales ;
b) celle où l’ouie domine (contemplation de la nature, des œuvres poétiques, musicales) ;
c) celle où domine l’imagination mathématique.
II - l’inspiration :
L’artiste aimerait la posséder toujours mais c’est seulement par instant que quelque chose monte en lui du plus profond de lui-même une réalité poignante et invisible à laquelle son attention et son désir doivent permettre d’agir.
L’inspiration ne peut se produire que dans le silence et la solitude. C’est seulement dans cette solitude avec lui-même et avec une réalité mystérieuse au plus profond de lui-même que l’artiste fait l’expérience d’un vide d’où naît l’inspiration.
L’inspiration apparaît comme quelque chose qui met l’homme hors de lui, au-delà de ce qui est sa vie habituelle. Elle est comme un état lui donnant de nouvelles capacités d’attente, de connaissance et de désir, lui permettant de communiquer avec un monde qui lui demeure ordinairement fermé.
L’inspiration apparaît comme passagère et fragile ; ce n’est pas un avoir qu’on possède mais c’est comme un nouveau point de départ qui demande a une réalisation.
Avec l’inspiration, l’artiste découvre quelque chose de nouveau qui s’impose à lui, qui le séduit et l’oblige à s’y donner entièrement : il en vit.
L’inspiration artistique n’est pas spécifiée par une réalité existante. Alors que l’expérience agit de l’extérieur comme un choc, l’inspiration se réalise au plus intime de la vie de l’artiste, s’emparant en quelque sorte de toutes ses forces vives, les orientant et les exaltant. C’est comme une source d’où jaillit tout le développement de l’activité artistique.
L’inspiration provient de l’imagination avec le concours des sens et de la mémoire d’une part, et de l’intelligence d’autre part.
Il y a différentes sortes d’inspiration qui montrent la richesse de l’imagination créatrice et ouvrent à l’intelligence artistique des perspectives spéciales et originales sur tout l’univers physique et humain.
III - Le choix :
L’expérience et l’inspiration artistique réclamant une réalisation.
L’inspiration de l’artiste dilate l’âme de l’artiste, la saisit, l’enivre, la fait sortir de ses propres limites alors que le choix créateur exige, au contraire, une sorte de concentration intérieure, de recueillement.
Le choix artistique possède une très grande liberté, liberté d’autant plus grande que l’œuvre qui finalise ce choix ne s’impose pas par elle-même comme la fin suprême de l’homme, son bonheur.
Le choix peut être posé en dépendance directe des orientations profondes du milieu.
Dans le choix artistique, il y a naissance de l’idée projet de l’œuvre grâce à l’intelligence artistique.
Venons en maintenant a étudier le travail et le jugement.
De saint Thomas d’Aquin : « l’art implique une triple opération : la première consiste à considérer de quelle manière on va faire quelque chose ; la seconde consiste a œuvrer sur la matière extérieure ; la troisième est celle qui constitue l’œuvre elle-même ».
Ce que nous expérimentons avant tout dans le travail, c’est son aridité ; c’est un moyen de se disposer à recevoir l’inspiration.
L’activité artistique, en raison de sa complexité et de sa très grande richesses, se réalise de manières très diverses : autre est la réalisation artistique du poète, autre celle de l’artisan, autre celle du technicien…
La phase de réalisation artistique nous met en présence de toutes les imperfections du mode humain de l’activité artistique.
Pour certains artistes, ils ne sont jamais satisfaits de leur œuvre ; d’autres éprouvent ce sentiment très curieux que leur œuvre les dépasse.
L’œuvre artistique n’est donc pas au sens stricte un objet, une réalité que l’on pourrait considérer d’une manière purement objective, mais un symbole tout ordonné à l’homme artiste, a l’homme dans sa subjectivité la plus profonde, son imagination créatrice.
L’œuvre d’art existe bien en elle-même, elle a une forme propre.
L’œuvre artistique permet en effet aux hommes de vivre ce que l’artiste a lui-même vécut, senti, contemplé. Elle leur permet de communier à sa vision du monde et des hommes, à ses appels les plus profonds, à ce qu’il ne peut exprimer que par son œuvre.
L’œuvre d’art se réalise selon un style puisqu’elle se réalise dans un milieu historique et géographique, culturel et économique. L’artiste ne peut s’abstraire de son milieu car son expérience se fait dans son milieu, de la matière qu’il emploie, des techniques dont il use et de la manière dont il en use.
L’art classique, c’est la pureté et la simplicité de la forme qualitative ; l’art romantique c’est la surabondance des formes imaginaires. Il recherche, à sa manière, la perfection des formes et des fantaisies imaginaires dans l’intensité, la surabondance, la profusion, l’excès ; l’art classique est toujours plus sobre ; l’art archaïque est celui qui nous donne le sens de la matière. Il est simple et naïf. Il exerce un attrait sur nos sensibilités. Il est comme le remède contre un monde de plus en plus artificiel.
Le Beau et le Vrai
C'est donc la représentation sensible de l'Idée qui appartient au Beau
artistique. Il y a par conséquent une différence essentielle entre le beau et le
vrai: le vrai, c'est l'Idée considérée en elle-même, indépendamment de toute
forme sensible; c'est l'idée en tant que telle qui donne sens au savoir et
permet de le totaliser. Au contraire, dans la beauté artistique, l'Idée est
engagée dans une représentation sensible: dans un tableau ce qui compte ce n'est
pas seulement l'Idée qui s'y manifeste, mais la couleur, la matière, les données
d'ordre sensible et concret
=> on voit ainsi toute la différence entre le vrai et le beau: le 1er est
purement intellectuel, le 2nd est tout empreint de sensible et de concret.
L'artisan et l'artiste utilisent tous deux une matière première et des outils. L'artisan produit quelque chose d'utile, il vise l'utile.
À l'inverse, l'artiste ne vise pas l'utile mais le beau. Or, l'artisan peut faire quelque chose de beau (par exemple l'architecte, l'ébéniste; etc.) et d'utile.
L'artiste, quant à lui, vise-t-il toujours le beau ? Pour certains artistes, l'art n'a rien à voir avec l'esthétique. Les artistes veulent changer les hommes, les transformer, en les choquant par exemple. Généralement, le « grand » public ne souhaite pas être bouleversé.
Art, technique
L'œuvre d'art suppose une création originale, elle est quelque chose qui n'existe pas encore ; on ne peut donc apprendre à faire de l'art. Ainsi, le solfège n'est pas de la musique. L'art ne consiste pas à imiter mais de créer : on ne peut apprendre à créer. Aussi l'œuvre d'art n'existe qu'au moment où elle est produite. Cela dit, beaucoup d'artistes ont d'abord été imitateurs : après la maturité, ils deviennent artistes.
Art et nature
Présupposé : la peinture est peindre ce que l'on voit. Or, si l'on place deux peintres devant le même paysage, on obtiendra deux peintures différentes. En réalité, l'artiste ne peint donc pas ce qu'il voit, mais son travail est une représentation (sensibilité). L'art n'imite donc pas la nature ; si c'est le cas, il ne s'agit pas d'une œuvre d'art. Ce n'est pas la vue qui guide l'artiste mais sa vision : le peintre reconstruit la nature. L'artiste est toujours pris dans l'esthétique d'une époque : la sensibilité personnelle de l'artiste est certes existante, mais celle-ci est toujours encadrée.
L'idéal de la beauté : ce n'est pas la nature telle qu'elle est, mais telle que l'artiste se la représente. Le peintre ne peint pas ce qu'il voit : il peint un idéal. La beauté universelle n'existe pas.
La peinture de la Renaissance représente-t-elle la nature ? La peinture de la Renaissance a deux sources principales d'inspiration : la Bible et la mythologie gréco-romaine. Ce n'est donc pas la nature qui est représentée.
Le cas de la peinture surréaliste : les peintres surréalistes n'imitent pas la nature, mais la nature inconsciente : les rêves, les fantasmes de l'artiste. Les surréalistes visent à perturber nos habitudes. L'œuvre d'art doit dégager de la révolte. (voir Dali, Ernst, de Chirico, Magritte).
Cézanne et le cubisme : Cézanne ne reproduit pas la nature mais il la reconstruit.
L'art abstrait (art non figuratif) : avec l'art abstrait, on fait abstraction de la nature visible pour exprimer quelque chose que l'œil ne voit pas immédiatement. Il y a de l'invisible dans la nature (par exemple peindre le vent, la chaleur, etc.).
Le théâtre : l'art imite les passions humaines (Aristote, Poétique). Le théâtre imite l'homme ; le but n'est pas la beauté, mais la purgation des passions. Le théâtre de Berthol Bretch ne s'adresse pas aux passions mais à la raison. S'il imite la nature, le théâtre rate sa fonction.
La musique, quant à elle, est l'art le plus éloigné de la nature. Elle ne peut imiter la nature : les évocations restent lointaines.
Ce que l'homme exprime à travers l'art n'est pas la nature, mais son esprit. Ce dernier n'est pas conceptuel : il est sensible. La nature n'est qu'un motif sur lequel l'artiste projette ses idéaux, ses théories, ses règles.
Don, talent et génie
Certains ont du talent, d'autres non. L'art est-il affaire de talent ? Parfois, on entend que c'est inné (par exemple Mozart; en fait, son père (Léopold Mozart) l'a éduqué d'une manière assez sévère si bien que l'on peut penser qu'il s'agit plus d'une technique musicale acquise qu'un génie inné).
Platon : L'art du poète est un don (des dieux) et non pas un don naturel. Les muses inspirent l'artiste mais ce dernier n'a aucun don.
Le génie est-il le privilège d'une situation ou d'un état d'exception ? Le célibat, la vie de bohème, les drogues, la maladie physique ou mentale (Cf. Chopin, Nerval, Van Gogh).
Le jugement esthétique
Toutes les œuvres d'art sont jugées : il y a le jugement de goût et le jugement de connaissance.
Le jugement de goût : « C'est beau ! », « C'est laid ! », « Ça me plaît. », etc. Ce jugement n'exprime rien sur l'œuvre d'art mais exprime l'état de celui qui reçoit l'œuvre d'art (subjectivité). Le goût est-il réellement personnel ? Quand on dit « C'est beau ! », c'est pour faire partager son goût (le goût est communicable ; Cf. la mode). Les hommes discutent de leurs goûts, il n'existe pas de goût réellement personnel.
Le jugement de connaissance : c'est le jugement légitime, celui qui est objectif (par l'analyse). Par exemple, pour la musique : l'étude des thèmes, de la tonalité, de la construction harmonique, des mouvements, du contexte historique permet de juger objectivement l'œuvre d'art (malgré l'objection courante qui consiste à dire qu'analyser une œuvre, c'est détruire le plaisir). Bien souvent, l'intérêt pour une œuvre naît avec l'analyse. Cependant, l'art vise à communiquer en s'adressant à notre sensibilité (même si l'on y connaît rien en art).
Existe-t-il un art sacré ? Il semble évident que oui : on entend parler, par exemple, de festivals d'art sacré.
Existe-t-il un art chrétien ? il semble évident que oui : Bach, Fra Angelico, Rouault, la Sixtine, Notre-Dame de Chartres etc.
A y regarder de plus près, on rencontre quelques surprises car le christianisme se démarque sensiblement d'autres religions.
Quelle est la finalité de la vie humaine pour les chrétiens ?
Elle est très bien symbolisée par la grande vision poétique de la Jérusalem nouvelle qui descend du ciel, vers la fin du livre de l'Apocalypse : "Je vis un ciel nouveau et une terre nouvelle. Et la ville sainte, je la vis descendre du ciel, d'auprès de Dieu, prête comme une épouse qui s'est parée pour son époux.
Et j'entendis une voix forte qui disait : "Voici la demeure de Dieu avec les hommes.
Il demeurera avec eux. Ils seront ses peuples et lui sera le Dieu qui est avec eux.
Il essuiera toute larme de leurs yeux. La mort ne sera plus. Il n'y aura plus ni deuil, ni cri, ni souffrance… Voici, je fais toutes choses nouvelles..." (Ap.21/1-5, et suite)
Benoît XVI a dit en février 2007 que l'art sacré est une catéchèse toujours valable, mettant en avant la valeur du patrimoine artistique qui est depuis des siècles une source d'inspiration pour l'Eglise. L’art sacré comme moyen de communication de la foi. « L’Italie est particulièrement riche en art, et l’art est un trésor de catéchèse inépuisable, incroyable. Pour nous c’est aussi un devoir de le connaître et de bien le comprendre. Non comme le font quelquefois les historiens de l’art, qui l’interprètent seulement formellement, selon la technique artistique. Nous devons plutôt entrer dans son contenu et faire revivre le contenu qui a inspiré ce grand art. Cela me semble réellement un devoir - aussi dans la formation des futurs prêtres - de connaître ces trésors et d’être capables de transformer en catéchèse vivante ce qui est présent en eux et nous parle aujourd’hui à nous. Ainsi l’Eglise pourra apparaître non pas comme un organisme d’oppression ou de pouvoir - comme quelques-uns veulent le montrer - mais comme une forme de fécondité spirituelle unique dans l’histoire, ou du moins, oserai-je dire, telle qu’on ne pourrait la rencontrer en dehors de l’Eglise catholique. C’un signe de la vitalité de l’Eglise qui, avec toutes ses faiblesses et aussi ses péchés, est toujours restée une grande réalité spirituelle, une inspiratrice qui nous a donné toute cette richesse ».