Arrêt Perruche ou la place de la personne handicapée dans nos sociétés
Au cours du premier semestre 2010, il y a eu une remise en cause de la loi anti-Perruche. Le conseil constitutionnel a été saisi d’une question fondamentale : certaines vies humaines peuvent-elles être reconnues comme des préjudices ?
Cette question que l’on croyait résolue resurgit en 2010 : un enfant peut-il être indemnisé du préjudice d’être né, après une erreur de diagnostique médical ayant conduit ses parents à ne pas interrompre la grossesse ? Le célèbre arrêt Perruche avait répondu par l’affirmative, révolutionnant le monde juridique, médical et éthique.
Le 4 mars 2002, la loi dite « anti-perruche » a rectifié cette, vision. Elle a disposé que « nul ne peut se prévaloir d’un préjudice du seul fait de sa naissance ». On pensait la question réglée.
Pourtant le 14 avril 2010, la mère d’un enfant atteint de la myopathie de Duchenne, a demandé au Conseil d’Etat de saisir le Conseil constitutionnel afin qu’il statue sur l’inconstitutionnalité de la loi anti-Perruche. Pour la requérante, cette loi serait contraire au principe constitutionnel de responsabilité qui suppose la réparation d’un dommage causé à autrui. Elle demande donc réparation pour le préjudice de la naissance de son fils handicapé, cette naissance n’ayant pas été « évitée » suite à un diagnostic erroné.
Si le Conseil constitutionnelle, qui a trois ans pour statuer, déclarait la loi anti-Perruche inconstitutionnelle, celle-ci serait abrogée. Nous retrouverions alors la logique de l’arrêt Perruche selon laquelle une vie humaine peut être reconnue comme un préjudice : logique qui laisse entendre qu’un enfant détecté handicapé est destiné à l’avortement ; que les médecins ont l’obligation de ne mettre au monde que des enfants en bonne santé, que les parents d’enfants handicapés peuvent monnayer la « perte de chance » d’interrompre la grossesse et aussi que les personnes handicapées elles-mêmes préfèrent la mort à la vie.
Compte tenu de la nature des enjeux, le collectif contre l’Handiphobie, qui avait vu le jour au lendemain de l’arrêt Perruche, s’est aussitôt mobilisé : dès le début du mois de mai 2010, il a déposé un mémoire en intervention auprès du Conseil constitutionnel et il a demandé que ses avocats puissent plaider devant la haute instance.
Car la question est bien celle de la place des personnes handicapées dans notre société.